Tout a commencé par un coup de cœur. Un coup de cœur qu’Hafsia Herzi a eu pour le roman autobiographique de Fatima Daas, La petite dernière : «En tant que femme, j’ai été impactée et émue. Je me suis immédiatement dit que je n’avais jamais vu un personnage comme ça au cinéma. Une héroïne d’origine maghrébine, musulmane pratiquante, vivant en banlieue et attirée par les filles». Au fil des saisons, sur une année entière, le film va suivre Fatima dans son lent chemin d’émancipation, chemin qui ira du lycée à l’université, du cocon familial en banlieue à différentes sphères parisiennes (les cours, les bars, les soirées…), des injonctions sociales (se marier, fonder une famille) et religieuses à son désir des femmes (en partie) embrassé.

Avec son look de garçon buté, pas super causante, Fatima (Nadia Melliti, belle découverte) donne l’impression de tracer sa route sans vraiment se soucier de ce qui se passe autour d’elle. Sauf que non. Sauf quand on la traite de lesbienne, et là, elle fulmine. Ou quand elle remet en question sa foi, et jusqu’à s’enquérir de l’imam de la grande mosquée de Paris. Ou quand elle tombe amoureuse. Ou, à l’inverse, quand elle fait l’expérience du premier chagrin d’amour. Fatima observe, encaisse, apprend, s’affranchit. Et voudrait bien se sortir de ces cases dans lesquelles on l’enferme trop facilement. Ces cases qui paraissent vous déterminer au regard des autres, et sans que vous puissiez aller contre. Et Fatima les cumule, les cases : maghrébine, musulmane, banlieusarde, future épouse, lesbienne, aimant jouer au foot et s’habillant comme un mec.

Inspirée par le cinéma d’Andrea Arnold, de Ken Loach et des frères Dardenne (et, sans le dire directement, d’Abdellatif Kechiche qui la révéla, en 2007, dans La graine et le mulet), Herzi filme son héroïne en ne la lâchant jamais, quitte à sacrifier la plupart des autres personnages gravitant autour d’elle, en particulier les sœurs et le père, ou même les amis de fac. Herzi filme au plus près des visages, des peaux et des respirations. Mais on ne pourra s’empêcher de penser que ce genre de réalisation a, désormais, quelque chose d’assez convenu, presque de cliché avec cette caméra à l’épaule qui tremble et qui s’agite, et cette mise en scène cherchant à «saisir le réel».

Et Herzi peine à y apporter un peu de singularité et de fièvre, un petit plus qui forcerait ce naturalisme, trop calibré en vérité, à être autre chose qu’une norme. En résulte un film lisse qui ne saura échapper, complètement, à une forme de didactisme poli. Pourtant Herzi, plusieurs fois, paraît s’en dépêtrer, nous le faire oublier, capturant alors une émotion brute au détour d’une écriture précise, d’un regard qui s’attarde ou se dérobe, d’un silence, d’un émoi soudain, à l’image de cette scène finale, bouleversante, où, face à sa mère, Fatima ne parvient pas à faire son coming out, où les mots restent impossibles à dire. Pas grave, ce sera pour plus tard. Et parce qu’il lui fallait, simplement, continuer à avancer.

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mymp
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le 27 oct. 2025

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