Bon, Pedro, faut qu'on parle.
Si si, faut vraiment qu'on parle.


Toi et moi on s'connaît pas. Surtout toi. Moi j'te connais de nom, y'a pas de souci. J'ai entendu parler de Volver, dont j'ai même vu quelques extraits en cours d'espagnol en première, donc franchement, j'veux d'abord que tu saches que j'ai aucun a priori sur toi, voilà, on est potes, sans rancune, toussa, toussa.
Du coup, bah comme j'suis quelqu'un de curieux et qui aime un p'tit peu le cinoche quand même, quand on m'a reparlé de La Piel que Habito et qu'on m'a vendu le truc comme jamais (au passage, GG pour ta moyenne sur SC), j'me suis dit que j'allais passer un putain de dimanche après-midi à regarder mon premier film de toi. Le genre de séance qui, une fois terminée, te fait redécouvrir le monde différemment, avec de grands yeux, où tu trouves ta place dans l'univers, tu vibres, t'as envie de marcher pendant trois heures avec ta musique sur les oreilles comme si t'étais dans un clip vidéo...


Bon.
Je lance le film.
Déjà, le rythme il est où ? (Ta gueule, Christophe). UNE HEURE. Une heure pendant laquelle j'ai pas arrêté de regarder à combien en était le film. UNE HEURE d'ennui mais genre total, quoi. C'est quoi ce bordel ? J'suis la première à aimer voir un film prendre son temps, faire dans le contemplatif, tout ça. Mais quand les indices sont aussi vagues, quand l'intrigue est aussi décousue, quand tu te fais chier à en avoir envie de compter le nombre d'inscriptions sur le mur derrière la nana, que t'en viens à rester sur l'idée fixe que Banderas il a pris un p'tit coup de vieux depuis Zorro, quand même... fin merde ! Non !
UNE HEURE de tension sexuelle chelou, de plans mal foutus, d'une gêne qui n'a rien à voir avec la gêne dont on a hâte de connaître le cœur profond. Là-dessus, on va pas se fâcher : le malaise, t'as mis le doigt dessus. Ah ça oui, on est pas bien en matant LPQH. Le problème, c'est que plutôt que de se focaliser sur une thématique, tu t'éparpilles. Tu pars à droite, tu pars à gauche, et la fille, et le père, et le gars qui viole la fille alors qu'il l'a même pas vraiment violée (l'injustice, on en parle ?), et la gouvernante, et la mère qui se suicide, fin stop.


Les histoires de famille, c'est passionnant. Plus c'est compliqué, plus c'est tordu, plus on aime, ça on l'a bien pigé. Mais la cohérence, la crédibilité, pourquoi tu les vires, comme ça ? Elles t'ont fait quoi ? Elles étaient en RTT quand t'as tourné, elles sont parties en vacances avec le rythme ? (Rythme qui a dû émerger après une panne de réveil et qui essaye tant bien que mal de se rattraper pendant la dernière demi-heure mais bon, ça fait vraiment "foutu pour foutu", dans le genre).


Plus sérieusement.
Le nombre de détails qui parasitent la trame est hallucinant. Le fil, bordel, faut qu'il soit rouge. Pas délavé. Rouge. À vouloir traiter trop de thématiques à la fois, on en oublie l'essence du problème. Et c'est là que le bât blesse. L'effet de "surprise", le retournement ne provoque pas l'ébahissement confinant au sentiment de spectaculaire confinant au génie. Pas pour moi. Je me suis sentie révoltée, même pas flouée. Juste, révoltée. Aucune sympathie, aucune empathie ne m'emporte vers aucun des personnages de l'écran. Le film est froid comme j'en ai rarement vu, au moins en accord avec sa lumière, dérangeante tout du long, terne. Demander pendant deux heures à un spectateur de s'accrocher à un défilé d'images et de sons lents, mais remplis d'éléments de puzzle qui ne s'emboîtent pas ou difficilement les uns dans les autres, sans la moindre accroche avec les protagonistes à l'écran, c'est mission impossible, à mes yeux.
Sans compter le manque de crédibilité cité plus haut qui en devient franchement handicapant (et dommage pour toi Pedro, j'ai regardé Lucy tout juste hier soir, et j'ai pas trouvé ça beaucoup plus crédible, niveau capacités). On parle d'un chirurgien esthétique de génie ou d'un mec capable de reproduire un timbre de voix, une ossature et une peau vierge de toute cicatrice ? Fin... Ta gueule, c'est magique, c'est ça ?


Au lieu de servir une vraie réflexion sur l'identité sexuelle, on fait dans le grandiloquent, dans le fantasme révélé en croyant faire dans le sensationnel, et avec l'élégance d'un éléphant dans un magasin de porcelaine chinoise. Pedro, t'as voulu choquer ? Bien joué, t'as réussi. Par contre, pour ce qui est de sensibiliser ton spectateur et de lui faire pousser une réflexion sur ce qu'il a vu, j'pense que t'as encore des progrès à faire. Tu m'as foutu en colère alors que t'aurais pu m'inonder de joie de voir une forme de tabou incarnée au cinéma. C'est peut-être que j'avais trop d'attentes sur un sujet que j'ai lu maintes fois exploité en littérature, peut-être Banderas dont le jeu mono-facial me fait lever les yeux au ciel, tes persos mal exploités, ton scénar capillotracté, ton manque de sensibilité en dépit des apparences.


J'en sais rien.
Tu m'as foutu en rogne, et j'pense que si j'avais vu ce film au cinoche, j'me serais juste barrée de la salle.
Sans rancune, hein.

Créée

le 20 nov. 2016

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Seren_Jager

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