"God gets off at Leavenworth and Cyrus Holliday drives you from there to the Devil."

Promotion 1850-1854 de l'académie militaire de West Point, dans l'état de New-York. Sous la direction du colonel Robert Edward Lee des amitiés et des inimitiés se forment parmi les cadets au nombre desquels se distinguent par exemple Georges Custer, James "Jeb" Stuart, James Longstreet ou encore Philip Sheridan qui s'illustreront tous lors de la Guerre de Sécession, mais dans les rangs de l'union pour certains et ceux de la confédération pour les autres. C'est d'ailleurs la question de l'esclavage qui clive les étudiants alors que la doctrine abolitionniste du zélote John Brown s'est immiscée dans l'école. Un étudiant en particulier, Carl Rader, s'est en effet fait sa voix au sein de l'académie et, pour avoir provoqué une bagarre, est exclu de l'établissement. Le reste de la promotion qui s'était battu est quant à elle envoyée dans la Deuxième Unité de Cavalerie de Fort Leavenworth, au Bloody Kansas, où sévit un mal depuis plusieurs mois. Son nom est John Brown et son dessein est l'anéantissement de l'esclavagisme. Mais dans sa croisade abolitionniste et sanglante se dresse le fleuron de la cavalerie américaine avec en tête de colonne les deux capitaines et amis Jeb Stuart et George Custer.

Pendu le 2 Décembre 1859, John Brown n'était pas le bandit et hors-la-loi présenté par le film. Du moins était-il un peu plus et un peu moins que cela à la fois. Autre chose en tout cas. S'il était bien un ardent défenseur de la cause humaine doublé d'un abolitionniste chevronné et qu'il se rendit coupable de plusieurs meurtres, au moins était-il motivé par la justice. Encore que, on peut se le demander. Pieux fanatique, il agissait en effet tant au nom de la religion que des droits de l'homme et on peut légitimement se demander s'il n'était pas d'avantage un missionnaire en activité qu'un affable redresseur de tort en quête de justice tant les deux semblent marcher dans des directions opposées. Quoiqu'il en soit sa lutte pour la juste cause et sa pendaison pour trahison envers l'union en firent le martyr idéal de la confédération et participèrent à embraser toute la région et plonger le pays entier dans quatre années de chaos. Thoreau, qu'il rencontra, et Hugo lui témoignèrent leur admiration. Ce dernier écrivit notamment, depuis Guernesey où il était en exil, une lettre ouverte à Lincoln appelant sa grâce, en vain :

« [...] Au point de vue politique, le meurtre de Brown serait une faute irréparable. Il ferait à l’Union une fissure latente qui finirait par la disloquer. Il serait possible que le supplice de Brown consolidât l’esclavage en Virginie, mais il est certain qu’il ébranlerait toute la démocratie américaine. Vous sauvez votre honte, mais vous tuez votre gloire.
Au point de vue moral, il semble qu’une partie de la lumière humaine s’éclipserait, que la notion même du juste et de l’injuste s’obscurcirait, le jour où l’on verrait se consommer l’assassinat de la Délivrance par la Liberté. [...]
Oui, que l’Amérique le sache et y songe, il y a quelque chose de plus effrayant que Caïn tuant Abel, c’est Washington tuant Spartacus. »

Pour ce qui est des considérations techniques il n'y a pas grand chose à dire sur ce tournage qui fut plus calme qu'à l'accoutumée (enfin, pour un tournage avec Flynn : les retards répétés, les trous de mémoires et les saouleries étant maintenant devenu monnaie courante on s'estime heureux quand il en reste là). Il faut dire qu'une routine commence à s'installer entre les acteurs et l'équipe technique. Onzième des douze film que Flynn et Curtiz tournèrent ensemble, Santa Fe Trail, marque également sa septième et avant dernière collaboration avec Olivia et une de plus avec son fidèle compagnon Alan Hale. Au côtés de ce brelan d'as s'ébattent d'autres pointures comme Van Heflin dans le rôle du cupide et futur repenti Carl Rader, Ronald Reagan dans celui de Custer ou encore Guinn "Big Boy" Williams (un autre habitué) et William Lundigan. Vous l'aurez compris, les considérations historiques et l'image d’Épinal de l'abolitionnisme importent assez peu à Curtiz et son scénariste Robert Buckner qui préfèrent à la leçon d'histoire (les cadets ont tous bien existé mais ont fait leur classes dans des promotions différentes, Custer et Stuart n'était pas proches et se sot même combattu pendant la Guerre de Sécession, le premier au Nord et le second au Sud) les envolées lyriques et héroïques de Flynn. Petite réjouissance personnelle, Olivia est plus émancipée et belle que jamais dans son chemisier à carreau et son jean délavé et interprète le rôle d'une self-made-woman comme Davis et Crawford savaient les apprécier. Allez tous en cœur :

Say, pard have ye sighted a schooner
A-hittin' the Santa Fe Trail?
They made it here Monday or sooner
With a water keg roped on the rail,
With Daddy and Ma on the mule-seat
And somewhere around on the way
A tow-headed gal on a pony
A-janglin' for old Santa Fe
Oh -- Ah - Oh --
A-janglin' for old Santa Fe.

I seen her ride down the arroyos
Way back in the Arkansas sand,
With a smile like an acre of sunflowers,
An' her little brown quirt in her hand
She straddled the pinto so airy
And rode like she carried the mail,
And her eyes near set fire to the prairie
'Long side of the Santa Fe Trail
Oh -- Ah - Oh --
Alongside of the Santa Fe Trail.

Oh, I know a gal down on the border
That I'd ride to El Paso to sight;
I'm acquaint with the high-steppin' order,
And I've sometimes kissed some gals goodnight;
But Lord, they're all ruffles and beadin'
Or afternoon tea by the pail,
Compared to the kind of stampedin'
That I get on the Santa Fe Trail
Oh -- Ah -- Oh --
That I get on the Santa Fe Trail.

I don't know her narne, and the prairie
When it comes to a gal's pretty wide,
Or shorter from hell to hilary
Than it is on this Santa Fe ride,
But I guess I'll make Cedars by sundown
And campin' may be in a swale,
I'll come on a gall and a pinto
Alongside of the Santa Fe Trail
Oh -- Ah -- Oh --
Alongside of the Santa Fe Trail.
blig
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le 21 sept. 2014

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