La trilogie de cette nouvelle Planète des Singes s'achève sur un épisode biblique.
Après un premier opus qui se cherchait encore, mais gagnait la sympathie d'une grande partie du public (dans laquelle je m'inclue), le deuxième volet se révélait moins surprenant mais non sans saveur. Entre ses gratte-ciels végétalisés par la fin du monde et une ambiance post-apo (sans zombies, ouf !) très bien rendues, on trouvait des intrigues métaphoriques où revenait à César ce qui lui appartenait : le bagage de son nom via un assassinat par un Brutus métamorphosé en Koba.
Ici, le film fait une fois de plus le choix de l'ellipse, et passé le texte de départ qui fait office de note d'intention sur "pourquoi on a choisi ce titre pourri en VF", on rentre dans le vif du sujet avec une ambiance déjà mainte fois soulignée comme "Apocalypsenowienne", ce qui ne manquera pas de revenir dans un tag à la fin du film.
Pour faire bref, plutôt que de nous proposer une bataille à grande échelle, les scénaristes font le choix d'enfermer une nouvelle fois nos singes. Ce retour à la case pas tout à fait départ, ne sera pas sans soulever, je pense, quelques protestations parmi les spectateurs, mais après tout, ça se laisse suivre et permet aux scénaristes de réécrire "Les 10 commandements" version simiesque (et version courte, ouf !).
Dans le rôle du Pharaon esclavagiste, on a un Woody Harrelson qui en fait peut-être un peu trop, mais s'avère une incarnation du mal au premier degré nécessaire à des singes pas encore passé au stade de l'humour en termes "d'intelligence" (j'aurais aimé trouver une autre façon de le dire car on a l'impression qu'ils sont stupides alors que ce n'est pas le cas, leur vision du monde est juste plus simple que la notre). Dans le rôle des plaies d'Egypte, nous avons la grippe simiesque qui revient (un peu oubliée dans le second volet) avec une évolution vers le mutisme pour les êtres humains. Ici, on ne se contente pas de réécrire la Bible, mais le fils du Pharaon est touché par la maladie, comme dans l'Ancien Testament. Son final est juste plus sordide. Enfin, César prend le rôle de Moïse en guide qui emmène vers la Terre Promise, et sa Mer Rouge devient une avalanche. Bref, tout est en place pour que la métaphore soit filée.
D'ailleurs au sujet de l'avalanche, le décor du camp enneigé est plutôt chouette, et la métaphore avec le nazisme est à peine dissimulé. Ce camp en hiver est un genre d'Auschwitz soft, avec un blanc maléfique aux commandes, qui plus est un colonel américain. Bref, même si le film a été tourné en 2015, on a forcément en tête pendant le visionnage les récents débats et événements sur le White Power aux Etats-Unis (d'autant qu'en VF, le terme Mulet, utilisé comme traduction de Donkey, n'est pas sans évoquer sémantiquement le Mulâtre et donc l'esclavage).
A cela s'ajoute une jolie partition de Michael Giacchino, à qui je reproche souvent son côté ronflant et trop premier degré, mais pour une fois ça colle. Sa partition a une palette de variation assez vaste qui vont toucher l'émotion, ou encore les envolées un peu dérangeantes façon années 70.
Ce qui m'amène au dernier point de cette critique que je voulais courte : les multiples références à la version de 1968, avec notamment des personnages comme Nova la muette ou Cornélius, le fils de César, qui font leur apparition. Finalement, la boucle est bouclée, et avec une ellipse d'une dizaine d'année, on pourrait arriver au film de 1968. C'est plutôt appréciable, car la trilogie se qualifie définitivement en tant que préquel, sans jamais chercher à égaler l'original, mais en lui rendant hommage aussi souvent que possible.
Ah et je n'ai même pas parlé des images, mais inutile de dire ici qu'elles sont superbes et que le boulot de motion-capture a un superbe rendu. Content aussi de reconnaître un peu d'Andy Serkis derrière César pour la dernière fois.
Autant dire que j'ai beaucoup d'affection pour ce film, comme pour les deux précédents, ce qui lui vaut sans doute une note peut-être plus haute que ce qu'il mérite (on peut lui reprocher d'être un film très prévisible et jamais vraiment surprenant). Il n'empêche que s'en dégage une intelligence (trop ?) rare chez les blockbusters estivaux, et...ça fait du bien !

CrysTurncloak
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le 2 sept. 2017

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