Ce sont nos choix qui montrent ce que nous sommes vraiment, davantage que nos aptitudes.

Cette critique contiendra très probablement des spoilers du film et des hypothèses quant à ses suites (qui ne pourront être vérifiées qu'en 2024 si on en croit l'agenda de Warner).
Le Fossoyeur de Films ayant fait une analyse très proche de mon ressenti, il est possible que certains éléments se retrouvent dans l'approche de ce film.


Fervent admirateur de la culture britannique dans ce qu'elle a d'aujourd'hui de plus pop (Doctor Who pour n'en citer qu'un exemple), il est possible que ces lignes ne soient pas d'une objectivité franche. Surtout si l'on y ajoute une pincette de "Génération Harry Potter", puisqu'il se trouve que cela cadre à peu près avec mon âge, même si je dois bien avouer qu'il y a deux ans, la redécouverte de l'intégralité des cycles littéraire et cinématographique du célèbre sorcier à lunettes (relégués jusque-là au rayon "plaisirs de jeunesse dans lequel je ne devrais peut-être pas replonger de peur d'être déçu"), dans le cadre d'une écriture rôlistique et d'une visite au studio londonnien, ont eu raison de mes dernières réticences à y replonger...pour mon plus grand bonheur.


Alors certes, ces Animaux Fantastiques étaient attendus au tournant par votre serviteur, à un point que toute bande-annonce en dehors de la première a été savamment bannie. On peut ajouter au tableau que la personne qui écrit ces lignes est aujourd'hui fâchée avec le monde des blockbusters insipides (en particulier avec ceux où tout le monde se balade en slip et en collant). Pour terminer, enfin, si les spoilers concernant l'intrigue ont été évités, j'avoue avoir lu l'intégralité de ce qui est paru sur Pottermore concernant cette extension du monde magique inventé par J.K. Rowling (articles sur la magie américaine, le Macusa, Ilvermorny, etc.).



Dans ce monde, il n'y a pas d'un côté le bien, et l'autre le mal. Il y a une part d'ombre et de lumière en chacun d'entre nous.



Sirius Black (ou J.K. Rowling)



Autant dans ce cas, commencer par la part d'ombre qui pèse sur l'ensemble, et peut-être sera-t-il plus facile ensuite d'en extraire la lumière, histoire d'apporter un nouvel éclairage (wouhou métaphore filée, cours de français de 6ème) à l'ensemble du long-métrage. Car il y en a, des choses négatives à soulever, en dépit des nombreuses qualités du film. Le Diable étant dans les détails, attardons-nous sur ce qui fâche.


En premier lieu (même si en en discutant à la sortie, personne de mon entourage n'avait réellement fait attention), il y a les histoires de coupe de cheveux qui dès le premier plan non-infographié suffit à spoiler l'enjeu du film et le twist final autour de Percival Graves, même si pour ma part, j'avoue avoir longtemps hésité en me disant que si tous les méchants avaient la même coupe de cheveux, c'était vraiment une faute de goût (après tout, Harry Potter et la Coupe de Feu, avec ses horribles Mangemorts du Ku Klux Klan et autres coupes de cheveux aléatoires était déjà passés par là).


Bref, cela semblait présager le pire, d'autant que la réalisation de Yates peut sembler plutôt paresseuse (même si Harry Potter n'a jamais été reconnu pour ses envolées loin d'un classicisme moldu). Cependant, il y a un autre travers plus difficile à excuser : le tout numérique. Autant je peux comprendre que ce soit plus facile, mais ce n'est pas une raison pour employer l'image de synthèse à toutes les sauces. La preuve en est qu'à titre personnel, je me serai bien passé d'un Ron Perlman gobelin en CGI cradingue au profit d'un Warwick Davies tout en prothèses, procédé bien plus convainquant et qui déjà prouvé par le passé qu'il vieillissait souvent mieux qu'une image numérique trop lisse.


Sur le bestiaire convoqué ici, la conception artistique est plutôt bien exécutée, même si par moment, l'Oiseau-Tonnerre semble un peu transparent (ou ressemblant de trop près à un certain Buck). Certaines créatures sont réellement effrayantes (les chevaux cthulliens), mais l'ensemble est plutôt mignon. Et ces charmants animaux doivent leur réelle existence principalement aux acteurs qui arrivent à les faire vivre.


La double-trame avec la quête des animaux joyeuse d'un côté et les intrigues politiques sombres de l'autre ne m'a personnellement pas dérangé, mais le dosage est parfois un peu bancal. En tout cas, le recoupement des deux est fait de manière un peu maladroite et artificielle, même si je ne pense pas que les créatures de Newt Scamander soient totalement écartées dans les suites (cf. plus bas). Toutefois, le problème qui se pose sur le film est bien la licence qui oblige la Warner à utiliser une matière originelle dont le sujet est largement dépassé dans le long-métrage. L’œuvre présentée a en tout cas du mal à assumer pleinement son titre et son matériau d'origine (comme certains l'ont déjà souligné, notamment dans l'histoire du "renvoi de Poudlard").


Mais ce qui peut réellement fâcher le spectateur, c'est l'écueil dans lequel tombent les scénaristes : la traditionnelle destruction de mégapole, une forme de conclusion éculée devenu la marque de fabrique d'un cinéma à gros budget riche en collants et super-pouvoirs. Rowling et Yates tombent en plein dedans, à ceci près que New-York ne sert pas ici d'arène pour destructeurs, mais subit les ravalements de façade d'un "animal blessé" dont le cadre des années 30 n'est pas sans rappeler un certain singe géant (que ce soit dans sa forme originelle ou celle plus récente de Peter Jackson). Le film se termine d'ailleurs sur le même constat, un échec cruel pour le genre humain : la bête ne peut être sauvée, elle sera donc abattue.


Les conséquences de ce lynchage de la part des Aurors américain est d'ailleurs immédiat : le grand méchant se révèle, avec un discours bien plus intéressant sur les différences entre le monde sorcier et le nôtre que celui du très égoïste Lord Voldemort, qui fait pâle figure (ha ha ha !) à côté de celui qui se bat "pour le plus grand bien". Mention spéciale à un Colin Farrell discret, loin de ses récents cabotinages, qui s'en sort de belle manière (à l'origine, je m'attendais à le détester de bout en bout).


Enfin, une petite note d'agacement face à l'utilisation abusive du "Transplanage", téléportation potterienne qui devient davantage un réflexe qu'une technique magique nécessitant concentration et connaissance du terrain sur lequel on aspire à atterrir. Mais on avait bien pardonné l'utilisation intensive de la fumée à partir du 5ème film de la saga originelle, qui elle, ne correspondait à rien de connu dans l'univers des livres donc bon...



Ce sont nos choix, Harry, qui montrent ce que nous sommes vraiment,
davantage que nos aptitudes.



Albus Dumbledore (ou J.K. Rowling)



Pour sortir donc, de cette ombre qui pèse sur le film à la manière d'un Obscurus sur New-York, sortons de notre chapeau (que de jeux de mots...) une citation de l'auteur placée dans la bouche d'un de ses personnages emblématiques. Car effectivement, ce qui fâche globalement, reste une affaire d'effets spéciaux et de grand spectacle. Les choix qui sont fait ici, sont à mon sens, bien plus intéressants.


Ce n'est pas pour paraphraser le Fossoyeur, mais plutôt que de s'orienter sur une suite ou un prequel direct, Rowling choisit de faire un film dans une autre époque, dans un autre lieu, avec d'autres protagonistes que Harry, Ron et Hermione. Un choix que certains n'auraient tout simplement jamais osé faire pour prolonger une licence (suivez mon regard en direction des Caraïbes du XVIIIème siècle).


Certains argueront qu'on a là affaire à une américanisation de la licence, mais je n'en suis pas persuadé. Je peux me tromper violemment en prêtant des intentions plus louables qu'il n'y paraît à la maman de Potter, mais je pense que Rowling a été chercher directement le public américain avec les codes du cinéma qui rapporte sur place, mais sans pour autant vendre son âme. La preuve en est que pour la suite, l'histoire revient en Europe et notamment en France et en Angleterre. Au passage, la scénariste dénonce les travers de la société américaine (peine de mort, obscurantisme puritain) et les mâtine avec des thématiques qui lui sont chères (l'enfance gâchée, le rôle de l'éducation, un brin d'écologie). L'ensemble n'est pas toujours d'une grande subtilité mais le propos est souvent amené de manière intelligente et porte une certaine sensibilité.


A ce titre, les héros sont choisis de manière plutôt judicieuse et renvoient directement au niveau de lecture des spectateurs (Moldu, Initié, Fanatique). Newt Scamander, timide optimiste sortant à peine de l'adolescence, renvoie directement aux jeunes adultes d'aujourd'hui qui ont grandit avec Harry Potter à l'époque et à l'image de ce dernier, nous découvrons la noirceur d'un univers qui n'est plus cantonné à une gentille école de magie. Le casting de Redmayne, que j'avais alors pointé du doigt en tirant une sombre mine, ne m'a depuis jamais semblé si pertinent. De même pour Jacob, que l'on attendait usant et qui se révèle attachant et drôle juste ce qu'il faut. Les personnages féminins sont tout aussi sympathiques et bien écrits, avec une réelle profondeur (je n'ai pas vu Tina comme un personnage opaque mal interprété, mais bien comme un autre genre de timide qui manque cruellement de confiance en soi).


De même, le sens du détail est toujours présent (cela se doit sans doute à Stuart Craig qui est toujours à la tête de l'équipe artistique), et le Wizarding World arrive à exister à travers entre autres les rats de papier qui cavalent d'un bout à l'autre de l'écran au Macusa. Mais ils ne viennent jamais faire référence de manière outrancière à la saga originelle (comme le collier des Reliques de la Mort sur lequel la caméra ne s'attarde pas en mode "regardez, un clin d'oeil !"). La musique de James Newton Howard vient au même titre souligner le récit de belle manière, alternant les passages jazzy et les envolées épico-féeriques propres à l'univers sans jamais abuser des références (deux Hedwige Theme en 2h15 seulement et encore, un sur le logo au début et le second à un endroit que je n'ai pas compris).



Ce qui compte, ce n'est pas la naissance, mais ce que l'on devient.



Albus Dumbledore (ou J.K. Rowling)



En conclusion, nous avons ici affaire à la naissance d'une nouvelle saga au sein d'un même univers, une saga qui n'existe pas de manière littéraire, mais qui prolonge une matière papier autant qu'elle s'appuie sur son adaptation audiovisuelle.


Alors quel avenir pour les Animaux Fantastiques ? On ne sait pas.
A l'image de Game of Thrones et de sa matière d'origine dépassée depuis deux saisons, nous nous retrouvons plongé dans cas encore jamais vu au cinéma avec cette continuité écrite par l'auteur des livres qui ne s'appuie pas sur les livres eux-mêmes.


Et je dois bien avouer que cela me rend extrêmement curieux.
Quant au fait de savoir si la saga porte bien son nom, j'ai lu partout que les gens craignaient que Grindelward prenne le pas sur la trame de Newt Scamander.


Mais je pense qu'en réalité, elles sont plus proches qu'il n'y paraît et ce n'est pas un hasard si Dumbledore s'intéresse de près à ce magicozoologiste. Ma théorie, est que la dernière scène du film (où Depp apparaît) augure ce qui arrivera par la suite : Grindelwald est tellement persuadé de sa toute puissance grâce à une baguette qu'il en oublie que le Monde Magique n'est pas un Monde de Sorcier. Sa méconnaissance des créatures qui peuplent son univers seront sa perte et c'est en cela que ce bon vieil Albus s'intéressera au jeune Newt.


Toujours est-il que les longueurs du film en tant qu'introduction à une nouvelle histoire ne me semblent pas relever du défaut, mais bien de la qualité, heureux que je suis de ne pas voir une narration hachée menue sur l'autel du montage et des rebondissements. Au contraire, que la saga conserve un rythme qui lui est propre et cela continuera d'en faire quelque chose d'unique, plutôt que de se conformer à la dernière mode qui consiste à filmer moins bien pour le cinéma que pour un porno sous prétexte qu'il y a de la 3D (Joss Whedon, si tu m'entends).


Alors comment terminer cette longue digression sur le sujet ?


Peut-être sur le fait que Rowling était attendue au tournant par ses fans comme ses détracteurs (jeu de mot ?). Mais comme elle le dit si bien :



Il faut beaucoup de bravoure pour faire face à ses ennemis mais il
n’en faut pas moins pour affronter ses amis.



Albus Dumbledore (ou J. K. Rowling)



Bref, cette nouvelle immersion dans le monde magique de Rowling n'est pas exempt de défauts, mais avouons-le, nous n'aimons ni les gens ni les œuvres pour leurs qualités mais bien pour les défauts que l'on ose leur pardonner. Ces derniers sont liés à deux facteurs : d'une part, les "nouveaux standards" de réalisation comme le "full-CGI" ou la destruction massive dus en partie à la 3D et aux producteurs (déjà rencontrés sur Le Hobbit), et d'un autre côté, le fait que ce soit le monde de J.K. Rowling et que ceux qui n'aimaient déjà pas à l'origine n'aimeront toujours pas. Alors cela ressemblera peut-être à un plaisir d'initié, mais qui sait, peut-être que quelque part, un Moldu osera ouvrir la valise magique de Scamander pour y trouver son bonheur.
Quant à savoir ce qui nous attend, mieux vaut ne pas trop l'anticiper et profiter encore de la curiosité suscitée par ce premier opus, car après tout...



If you worry you suffer twice !



Newt Scamander


CrysTurncloak
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le 23 nov. 2016

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Crys Turncloak

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