On ne peut pas reprocher à Xavier Beauvois de tenter de sortir des sentiers battus.
Connu comme auteur de films noirs âpres et réalistes (Le Petit Lieutenant, N'oublie pas que tu vas mourir), consacré par un drame spirituel sur l'assassinat des moines de Tibhirine (Des hommes et des dieux), le voici qui s'essaie à la comédie. Mieux : à la comédie pas drôle.
Et c'est réussi : son film est complètement raté.


Pas facile, déjà, de placer un long métrage sous le patronage de Charlie Chaplin. En s'inspirant d'un authentique fait divers (le vol du cercueil du réalisateur britannique quelques semaines après sa mort, dans l'espoir de le restituer contre une grosse rançon), Beauvois tente d'attirer à lui la magie unique du créateur de The Tramp.
Une petite fille comme personnage témoin, un contexte social misérable, des héros au grand cœur même lorsqu'ils titillent le malhonnête, et même un cirque pour faire bonne mesure : le cinéaste ratisse large.
Il n'oublie qu'une seule chose, la magie Chaplin. Cette touche unique d'innocence, de candeur, de poésie, de tendresse, d'émotion et de bonne humeur, capable de surgir de la scène la plus anodine.


Xavier Beauvois en est très loin. Tout dans son film est lourd, pataud, emprunté. Le côté drame social est gluant, les tentatives de comédie tombent à plat, le suspense est inexistant. Rien ne fonctionne.
La mise en scène de Beauvois est incapable d'effleurer seulement la grâce de celle de Chaplin. On sent qu'il cherche, mais pas une fois il ne décolle de la glaise. Chaplin pouvait raconter les histoires les plus tragiques, sans lésiner sur les violons d'ailleurs, en y injectant une légèreté folle, quelque chose d'inventif, en mouvement perpétuel. Le réalisateur français reste empâté dans le tragique et ne s'envole jamais.


Rien ne fonctionne, et surtout pas la musique de Michel Legrand. Volontairement lyrique, elle occupe l'espace sonore et visuel du film avec une emphase envahissante censée se poser en contrepoint de ce qui se passe à l'écran.
En soi, la musique est jolie, et on admire à plusieurs reprises la maîtrise technique absolue du compositeur, dont les partitions tombent avec justesse sur les enchaînements du montage. Mais le contrepoint ne marche pas du tout. Au contraire, il est ridicule, et crée un décalage incompréhensible qui ruine les efforts du film pour être soit drôles, soit touchants.


Que reste-t-il ? La jolie prestation de Benoît Pooelvorde, beaucoup plus convaincant qu'un Roschdy Zem bizarrement lointain, sur la réserve, pas totalement convaincu lui-même. Celle de la fillette, Séli Gmach, qui emporte souvent l'adhésion.
Et c'est tout.


Il était sans doute difficile de trouver le film adéquat après le triomphe inattendu de Des hommes et des dieux. Xavier Beauvois tenait un bon sujet - après tout, ce fait divers reste une histoire fascinante et une belle matière pour une fiction -, mais son traitement est un échec de bout en bout.

ElliottSyndrome
2
Écrit par

Créée

le 5 sept. 2020

Critique lue 119 fois

2 j'aime

2 commentaires

ElliottSyndrome

Écrit par

Critique lue 119 fois

2
2

D'autres avis sur La Rançon de la gloire

La Rançon de la gloire
Boubakar
3

Des hommes sans leur dieu ; l'argent.

Pour un cinéaste, il n'est jamais évident de rebondir après un triomphe critique et commercial, et c'est ce qui est arrivé à Xavier Beauvois avec ce film, qui vient après le formidable Des hommes et...

le 20 févr. 2019

4 j'aime

2

La Rançon de la gloire
PatrickBraganti
4

La suée vers l'argent

Si on aperçoit bien les références à l’univers de Chaplin (la petite fille, le cirque, les deux pauvres bougres plus bêtes que méchants), et donc les intentions respectueuses de Xavier Beauvois, nous...

le 10 janv. 2015

3 j'aime

La Rançon de la gloire
ElliottSyndrome
2

La ruée vers l'(h)or(rible)

On ne peut pas reprocher à Xavier Beauvois de tenter de sortir des sentiers battus. Connu comme auteur de films noirs âpres et réalistes (Le Petit Lieutenant, N'oublie pas que tu vas mourir),...

le 5 sept. 2020

2 j'aime

2

Du même critique

Un jour ce sera vide
ElliottSyndrome
6

Du trop-plein pour conjurer le vide

Pour développer ce genre d'histoire, il y a plusieurs moyens. Soit on raconte ses propres souvenirs d'enfance et, à moins d'avoir vécu quelque chose d'absolument exceptionnel qui justifie un...

le 24 août 2020

15 j'aime

3

Le Passager
ElliottSyndrome
6

Au bord de la route

(Critique provisoire, en attente de plus de temps pour faire mieux)J'ai été si déconcerté par ce roman que j'ai oublié dans un premier temps de l'ajouter à ma liste de lectures de l'année, presque...

le 16 mars 2023

10 j'aime

5