L’essor de la Hammer à la fin des années 50 et au début des années 60 a vu l’adaptation au cinéma de nombreux classiques de la littérature fantastique, qui ont connu un certain succès auprès du public, qui s’est agrémenté aujourd’hui d’un véritable succès critique. Un succès qui encouragea la production de suites à certains de ces films, comme c’est le cas avec La Revanche de Frankenstein.


Après Frankenstein s’est échappé (1957), nous avions laissé Viktor Frankenstein en prison, où il devait payer de sa vie les crimes qu’il avait commis, se dirigeant vers l’échafaud pour être guillotiné. Si la mort du baron Frankenstein semblait inéluctable et suggérée par cette fin sombre, celle-ci n’avait pas lieu à l’écran. Et c’est ainsi que fut permise la mise en place d’une suite à ce premier film, avec La Revanche de Frankenstein, qui débute de la même manière que se termine le premier film, nous faisant revenir dans cette sinistre cour où seule la chute de la guillotine brise un silence de mort. Alors que Frankenstein semble condamné et ne pas avoir échappé à son sort, on finit par découvrir que, grâce à un subterfuge, il s’en est sorti et s’est remis au travail, autant comme médecin pour soigner les infirmes, que comme scientifique menant d’étranges expériences.


Pour Frankenstein, c’est l’occasion d’un nouveau départ, et il fait illusion quelques temps aux yeux du spectateur, voyant un homme qui aide les plus démunis. Pendant ce temps, l’ordre des médecins, composé d’hommes aisés, pointe du doigt ce solitaire qui déjoue les règles. La procédure face à la générosité, la prétention face à l’humilité. Frankenstein, devenu Viktor Stein, paraît être un homme nouveau, lavé de ses péchés, au point d’oublier, presque, les atrocités qu’il a commises dans le premier film. Mais l’illusion ne durera pas bien longtemps. Si le premier film explorait déjà bien les thématiques inhérentes à l’histoire de la créature de Frankenstein, La Revanche de Frankenstein pousse la démarche encore plus loin pour exploiter davantage le potentiel du personnage du baron Frankenstein et de cet univers.


Cette fois, il ne s’agira pas de voir une créature d’apparence hideuse s’échapper dans la nature, mais de changer littéralement de corps, notamment pour se défaire d’une infirmité incurable. La quête de la perfection, comme dans Frankenstein s’est échappé mais, cette fois, de façon aboutie. Cette procédure se heurte au décalage entre théorie et pratique, menant au constat final et fatal : on ne peut échapper à son propre destin. Cette nouvelle expérience développe des perspectives scénaristiques intéressantes, ici bien développées, avec une nouvelle cavale, initiée par un homme qui est dans un corps qui n’est pas le sien, et qui apprend qu’on fera de lui ce qu’il ne voulait plus être. D’un point de vue esthétique mais aussi thématique, La Revanche de Frankenstein paraît très expressionniste, toujours avec ces décors gothiques et ces jeux de lumière très présents, mais aussi pour le personnage de Karl, torturé à l’intérieur et dont le sort semble rappeler celui du personnage principal des Mains d’Orlac (1924).


On peut simplement se dire que Frankenstein s’est échappé n’avait pas vraiment besoin de suite, c’est une réalité indubitable. Toutefois, force est de constater que ce second film offre une extension très intéressante de l’univers développé dans le premier, explorant encore davantage ses thématiques. On se retrouve ainsi de nouveau avec un pur film de la Hammer de l’époque, toujours aussi intrigant, bien réalisé et spectaculaire, et on en profite pour citer la présence magnétique de Peter Cushing qui reprend son rôle pour notre plus grand plaisir.


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le 31 oct. 2021

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