1939, Welles adapte une première fois le roman à succès de Booth Tarkington sous la forme d'une émission radio d'une heure. Un peu après le triomphe de Citizen Kane, le réalisateur souhaite revenir sur le roman en l’adaptant cette fois-ci au cinéma.


Couvrant octobre 1941 à janvier 1942, la production du film se passa essentiellement dans un des studios de la RKO, notamment tout ce qui concerne le manoir des Amberson, entièrement construit pour l'occasion et pensé comme un véritable manoir tout en le dotant de murs capables d'être déplacés sur les cotés et tirés vers le haut ou le bas afin de permettre à Welles de réaliser ses plans prolongés sans être interrompu ou gêné.


Alors que le cut envoyé aux exécutifs dépasse largement les 2h de runtime, le film se retrouve hélas tronqué d'une sévère partie, près d'une heure (idem pour sa bande son originale) et flanquée d'une fin réécrite suite à des projections test jugées médiocres. Des changements qui n'auraient, dit-on, pas changé grand chose à la réception du film lors de nouvelles projections test, et qui ont été lancés sans l'aval de Welles, occupé à tourner un autre projet (avorté ensuite) pour la RKO au Brésil, It's All True.


Les rushes non utilisés, ne pouvant être conservés dû au coût élevé de leur archivage, sont alors détruits. Un patrimoine qui semble définitivement perdu, bien qu'encore de nos jours plusieurs initiatives tentent de rendre au film ses scènes supprimées, notamment en complétant le film avec de l'animation ou en partant sur les traces de rushes supposément envoyés au Brésil au moment où Welles s'y trouvait.


Un remue-ménage qui n'empêchera pas le film d'être solidement bien accueilli à sa sortie et d'être encore considéré à ce jour comme un des meilleurs films jamais réalisés. Une réputation qui ne trouve cependant écho qu'auprès des amateurs et cinéphiles, le film demeurant sous l'ombre montagneuse de son prédécesseur aux yeux du grand public : Citizen Kane.


La Splendeur des Amberson (The Magnificent Ambersons en VO) est une fenêtre sur une famille très réputée dans sa ville. Lorsqu’une ancienne connaissance refait surface, l’avenir comme le statut de la famille se retrouvent en jeu.


On ne va pas se mentir, il est parfois difficile de mêler divertissement et culture, en particulier dès lors qu'il faut remonter le temps des oeuvres, ici cinématographiques. À l'inverse des livres, les films ont cette tendance, selon moi, à pouvoir vieillir beaucoup plus rapidement aux yeux de la culture générale. Difficile dans une seule vie de tout voir d'un médium, alors en discerner les bases fondatrices ? Tout connaître des pionniers ? Tout voir des meilleurs, décennies après décennie ? Petit à petit, le temps écarte les oeuvres populaires des oeuvres immortelles, les premières de par leur accomplissement à un instant t, les secondes de par leur résilience face au temps, chouchoutées par celles et ceux qui le souhaitent réellement. C'est compliqué de tout lire, c'est compliqué de tout regarder. Ainsi pour la très grosse majorité des gens, c’est le genre de film qui demeurera totalement inconnu, jugé trop vieux, ou pas intéressant.


Quand on a des connaissances relativement restreintes en cinéma, on aborde ce genre d'oeuvre avec la plus grand pudeur. Pourtant j'ai l'audace de déclarer que c'est justement parce que je pense posséder le minimum que j’ai trouvé le film excellent même si la séance n’a pas été si mémorable que cela.


À la façon de Citizen Kane, beaucoup des codes qui régissent le cinéma américain actuel ont leurs origines dans des films de cet acabit, codes qui seront entre autres ré-appropriés par les réalisateurs du Nouvel Hollywood. Je vais juste mentionner un des plus évidents : Martin Scorsese et ses plans séquences qui brassent couloirs, pièces et bains de foule, qu’on pouvait déjà voir dans Citizen Kane et qu’on retrouve donc ici.


Au delà de ça, le casting est impeccable entre un Joseph Cotten qui dégage classe et charisme ou encore Tim Holt qui interprète un George Minafer parfaitement pourri-gâté.


Le rythme particulièrement reposé peut rebuter, surtout comparé à nos standards actuels (même si on ne reste que dans le cadre d’un drame du même style), mais le film ne démérite pas pour autant.

Chernobill
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le 18 janv. 2022

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Chernobill

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