La Proie d'une Ombre

Jean-Paul Salomé choisit de faire partir sa Syndicaliste sur les chapeaux de roues. En privilégiant, pour illustrer son trauma central, le poids des mots au choc des photos. Car il sait que c'est de l'imagination que naît toute l'horreur de l'agression dont l'héroïne subit la barbarie.

Avant de revenir quelques mois plus tôt et de décrire l'escalade, en inscrivant le film dans la veine du thriller politico économique haletant de I... Comme Icare ou plus récemment, de L'Enquête, de Vincent Garenq et de La Mécanique de l'Ombre. La menace est installée, sourde, indistincte, prenant pour cadre la passation de pouvoir au sein de la société Areva et de la sauvegarde des intérêts français. Jean-Paul Salomé met au service de sa tension une galerie de portraits ambigus avec, en tête d'affiche, un Yvan Attal sanguin ou encore Marina Foïs, incarnant une Anne Lauvergeon en forme d'étrange mauvais génie.

Cet aspect de l'oeuvre permet d'emporter immédiatement le spectateur dans la véracité des faits qu'elle décrit, avant de céder de céder la place à un mélange d'intime, permettant de donner corps et fragilité à sa syndicaliste va-t-en-guerre, et d'enquête judiciaire à charge, le spectateur assistant dès lors à la faillite de ses dernières illusions, comme dans Présumé Coupable, un véritable piège se refermant sur une Isabelle Huppert tout aussi vulnérable qu'impériale, totalement au service de son personnage et de sa cause.

Si l'on excepte quelques petits soucis de rythme, Jean-Paul Salomé, avec La Syndicaliste, fait bien comprendre qu'il se sent plus que concerné par ce qu'il raconte, et livre au passage, peut être, son meilleur travail, tant le film réussit à capter l'essence de son fait divers aux allures de sombre machination et de pressions troubles pesant sur les épaules d'une femme peu à peu isolée et discréditée.

Le film acquiert enfin une résonance particulière aux yeux du masqué, en sortant en même temps que Mon Crime, de François Ozon, dont il partage une partie des thématiques et de notre actualité, en portant des regards différents sur les mêmes faits. Entre sourire ironique porté sur l'amoralité délicieuse et tragédie face à la déroute judiciaire, La Syndicaliste et Mon Crime portent à l'écran les mêmes interrogations quant à ce qu'une femme dans la tourmente doit encore subir.

Deux sensibilités différentes pour un même constat : il y a encore beaucoup de chemin à faire.

Behind_the_Mask, qui s'y prend comme un manche.