Emportée par les corps, la scénographie de La vie de château conçoit habilement un rythme à la hauteur des passions de ses personnages. Cantonnée à la vie rurale, Marie se plaint à son mari Jérôme d’une paisibilité bien trop pesante. Son esprit rêveur, voire capricieux, enrichi par la légèreté de la jeunesse de Catherine Deneuve, s’oppose ainsi à la rigidité de l’harmonie aristocratique familiale. Impulsive et naïve, elle s’éprend de Julien qui lors de l’une de leur rencontre, se cache au passage d’une voiture allemande. Cet instant de romance insouciante révèle un contexte de guerre dont nous ne soupçonnions pas l’existence. Résistant français, l’homme prépare en réalité le débarquement des alliés non loin du château. L’inquiétude absurde de Jérôme à propos de futilités et le comportement de femme-enfant de Marie dissimulait la gravité de la situation historique. Sous la clarté du noir et blanc de Pierre Lhomme, Jean-Paul Rappeneau expose ainsi à la manière de Jean Renoir dans La Règle Du Jeu, l’indifférence d’une communauté aristocrate en période de conflit. Mais l’arrivée de l’occupation allemande au sein du château bouleverse le quotidien familial et les plans des Résistants. Envoyé en dernier recours pour préparer le débarquement, Julien est accueilli par la famille en se faisant passer pour le frère de Marie auprès des allemands. Bien évidemment le tout s’effectue sur un fond de non-dits et les tensions amoureuses s’amplifient avec le major allemand qui ne reste pas non plus insensible au charme de la jeune femme. Celle-ci se positionne alors au centre de toutes les attentions, comme l’illustre les va-et-vient au cours d’une soirée au château entre occupants et occupés. Les mouvements du cadre donnent vie à un ballet mondain où la frivolité s’empare des esprits.
Ainsi, la romance se perpétue comme le cœur du récit, délaissant volontiers la solennité des événements historiques. Un penchant sentimental réjouissant mais excessivement appuyé par le souffle romantique de la composition de Michel Legrand. Cette légèreté de ton s’accorde au comique de certaines scènes, notamment celles où s’affrontent les beaux-parents Dimanche et Charlotte. Le vieux campagnard maquis, sous les traits d’un Pierre Brasseur rustre, ne se lassant jamais de provoquer la revêche vieille femme. Bien que son usage puisse s’avérer déroutant, un montage elliptique amplifie ces contre-points comiques et l’esprit fougueux des passions. De sorte que s’unissent visuellement les deux tendances qui finiront par dissoudre le flegmatisme de l’aristocratie. Le film s’émancipe ainsi du constat dramatique du maitre Renoir mais en succombant malheureusement dans une valorisation abusive de l’effort de guerre. Seule l’une des scènes finales s’accordent à faire subsister l’agréable insouciance du récit en exposant les beaux-parents dans le château tout compte fait dévasté.
Loglady
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le 13 juil. 2014

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