Sélectionné à la Mostra de Venise en 2000, La vierge des tueurs est né du souhait récurrent de Barbet Schroeder de pouvoir tourner un film dans son pays de cœur, la Colombie, où il y passa cinq années de son enfance. Après deux décennies à chercher un écrivain colombien à la fois capable d'écrire un scénario, et d'être intéressé par un projet de film, le cinéaste suisse fit la découverte de Fernando Vallejo. Un véritable choc pour Schroeder qui place l'œuvre du colombien au même niveau que celle de Charles Bukowski. L'écrivain lui proposa dès lors d'adapter son livre semi-autobiographique La vierge des tueurs. Passé de très longues négociations du propre aveu du réalisateur avec Vallejo sur le nombre de meurtres à garder (le seuil des dix-huit meurtres du livre apparaissant inconcevable pour Schroeder), un scénario original fut finalement écrit. Car contrairement à ce que pourrait laisser transparaître le film, aucune ligne de dialogue n'est improvisée, au mieux certaines furent ajoutées lors du tournage telles celles du jeune frère vengeur d'Alexis après son exécution. Ne restait plus qu'à trouver les interprètes de ce film pensé 100 % colombien, à savoir, Germán Jaramillo un acteur de théâtre, et Anderson Ballesteros, un jeune vendeur d'encens recommandé par l'ami de Fernando qui lui avait présenté le vrai Alexis.


Réalisé en marge de sa période hollywoodienne (en 2002, il signa en guise de dernier chapitre Calculs meurtriers avec Sandra Bullock et Ryan Gosling), La vierge des tueurs s'inscrit comme une histoire d'amour tragique dénuée de tout sensationnalisme. D'une romance homosexuelle traitée comme un fait donné, sans préjugé, sentimentalisme ou militantisme, Barbet Schroeder se fonde avant tout sur une approche naturelle. Tourné dans les conditions du documentaire, témoin de la réalité brute de Medellín La vierge des tueurs fut ainsi filmé principalement au Steady Cam. Mieux, le long métrage se distingue par la volonté de son réalisateur à tourner en haute définition, une première à l'époque, et une norme désormais, cette nouvelle technologie offrant un caractère immersif inédit par la qualité et la netteté de sa profondeur de champ. Personnage à part entière du récit, la ville Medellín occupe désormais en permanence chaque plan tel que le voulait le cinéaste.


Ancré dans la réalité par ses diverses musiques d'ambiance, salsa, boléro, tango, La vierge des tueurs se singularise également par ses passages oniriques, le faisant basculer du côté de l'irréel, appuyé par la musique originale signée par Jorge Arriagada, collaborateur de Raoul Ruiz ; un aspect surnaturel mis en image lors de la scène hallucinatoire où Fernando aperçoit des ruisseaux rouges du sang de son amant se jetant dans un lagon bleu. De par son travail sur la couleur, le jaune, le bleu et le rouge (celles du drapeau colombien) sont omniprésents (tandis que la couleur orange est bannie), Schroeder conforte son parti pris de départ, traiter cette réalité crue par la fiction à travers un travail esthétique « hollywoodien » et un personnage principal qui n'est pas sans évoquer celui de James Stewart dans le Vertigo d'Alfred Hitchcock.


Drame hanté par la mort et la souffrance d'un homme, miroir d'une ville rongée par la violence et la drogue, La vierge des tueurs s'inscrit comme l'une des plus belles réussites Barbet Schroeder.


A voir.


http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2017/04/la-vierge-des-tueurs-barbet-schroeder.html

Claire-Magenta
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le 2 juin 2017

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