Un Guédiguian qui tranche avec ceux que j'avais précédemment vu, par le ton résolument tragique que prend le récit. Ici, point de comédie enjouée et chaleureuse qui a fait le succès du cinéaste (Marius et Jeannette). Bien sûr dans ses comédies, la tristesse, la dureté de l'existence sont toujours présentes. En fond, comme un piment, un décors intérieur qui rend les hommes à leurs peurs, qui les fait humains, plus riches, plus intelligents, plus sociaux quelque part même... Plus faciles d'accès aussi, à l'identification.
Or ici, Guédiguian prend à contre-pied le spectateur, habitué à la joie marseillaise, à ses sourires et ses espoirs, pour le faire entrer dans le même cadre, mais avec des couleurs différentes, toujours ceint d'amour, mais par le côté obscur de la force, le côté glauque.
Jugez-en : la fille d'Ariane Ascaride se drogue et sa mère fait la pute pour lui payer ses doses. On est loin de la gaieté et du romantisme de Marius et Jeannette. On est plus près d'Hugo que de Pagnol. Point de pittoresque local. Virage serré vers les ténèbres méditerranéennes.

Sur le plan technique, c'est toujours du Guédiguian. Peut-être que la photographie est même supérieure. Avec notamment des nuits bien travaillées. Bleutées et obscures à la fois.
Les comédiens sont les mêmes. Toujours la même bande à Guédigian : sa femme Ascaride, Darroussin ou Meylan ses potes, etc. Rien à dire sur les interprétations : remarquables. Le pathos aident à briller. Pas toujours mais souvent.

Tiens oui, le pathos, parlons-en. Le parti-pris de faire un film plein de ce pathos, de souffrances et de hurlements, sans échappatoires, sans espoir, sans s'arrêter de sombrer m'a rebuté. Déjà, c'est vrai que lors de la projection, je ne savais pas à quoi j'allais être exposé. Je ne savais rien du film et j'en étais resté à Marius et Jeannette, alors forcément hé hé me voilà bousculé. La plupart du temps, cela fait du bien. Mais là, je n'ai pas réussi à adhérer à cette surprise. Je ne l'ai pas ressenti comme généreux cet inattendu. Tant pis pour ma gueule. Donc, j'ai pris ce déversement de misère plein la face, j'en avais partout c'était dégueulasse, j'ai eu du mal à rattraper ma chemise au lavage. D'autant que j'ai de la misère avec ce réalisme romantique, comme avec Hugo d'ailleurs, à l'apprécier, le considérer à sa juste valeur. Peut-être plus tard avec l'expérience.
Mais pour le moment et depuis longtemps, la larmichette m'emmerde très très vite. Le pathétique me submerge et noie toute vélléité de ma part d'approcher le film avec plaisir. J'ai attendu la fin poliment. D'abord parce que tout de même bien fait : comme je disais bon acting, photo loin d'être désagréable. Mais reste que je me suis bien fait chier avec cette histoire... comme un rat mort de la grippe aviaro-chikungunyesque.
Un Guédiguian ultra-noir, j'en veux pas. Qu'il laisse ça à d'autres! C'est comme si Lubitsch ou Wilder s'était mis au mélo, on n'a pas idée! Où irait le monde? Y aurait plus qu'à laisser les chiens enculer les chats. Non, décidément, non, je ne veux pas la fin du monde.
Alligator
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le 26 déc. 2012

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