La première apparition de Michel Simon au cinéma n’est pas le principal attrait de ce film. Il n’a qu’un rôle mineur et est affublé d’une coupe de cheveux aussi ridicule que celle de Javier Bardem dans « No Country for Old Men » des Coen qui accentue le grotesque de son personnage. Précepteur, il accompagne André, le fils oisif d'un célèbre et riche écrivain parisien sur les bords huppés du Lac Léman. André est totalement inexpressif et décrit par le précepteur à la direction de l’hôtel comme ayant un esprit un peu dérangé et devant être ménagé. Lors d'une promenade en bateau, André est saisi par la beauté d’une jeune fille endormie sur son siège. Il la suit lorsqu’elle descend dans un petit port du lac. C’est la fille d’un batelier qui fait le transport des pierres sur le Léman. Il se déguise en trimardeur et trouve un emploi sur la barque du père de la jeune fille. Le film démarre donc doucement avec cette mise en situation sans grand intérêt.

C’est à partir du moment où André se fait engager comme ouvrier batelier que le film prend son véritable intérêt. Par son ambiance lyrique et poétique autour des eaux du lac Léman et les images de la tradition maritime du lac et de la petite ville de Meillerie, le film s’inscrit dans la tradition du cinéma documentaire français de réalisme poétique tourné en extérieur avec une photographie teintée de très haute qualité. « La Vocation d'André Carel », s’apparente au film de Jean Epstein "la belle Nivernaise" réalisé deux ans auparavant, en 1923, film avec qui il partage le comédienne principale, Blanche Montel et le directeur de la photo Paul Guichard. Tout concourt à donner aux choses une beauté lumineuse : l'image est très pure et blanche, les paysages magnifiquement filmés. La caméra capte avec délicatesse les rayons du soleil, l'irradiation de l'eau, l'ondulation des rives, l’élégance robuste des barques transportant majestueusement les pierres de carrières du village de Meillerie, leurs lignes fuyantes et l’harmonieuse symétrie de leurs doubles voiles caractéristiques. L’aspect documentaire s’attarde aussi sur la vie des ouvriers-marins du lac Léman « les bacounis », avec la même qualité d’images : gros plans sur les visages en plein effort, cargaisons tirées le long de chemins de halage, pierre charriées à la brouette de la rive à la barque…

C’est dans cette évocation du travail des mariniers que le titre du film prend son sens. « La Vocation d’André Carel » c’est la révélation qui lui est faite à lui oisif aisé, de la réalité de la vie. Révélation qui lui fait dire dans une envolée très lyrique et morale « Dans ces visages crispés, j’ai compris la majesté du travail, la beauté de l’effort humain, la peine des hommes ».

Bien qu'il ne s'agisse pas d'un chef-d'œuvre de par la simplicité du scénario, le film est suffisamment agréable par la qualité de son aspect réalisme poétique pour dire qu’il vaut le détour.


kinophil
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le 20 févr. 2024

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