Faire un documentaire sur le racisme en ne passant que par des sources policières, qu'au travers des "yeux" des policiers, c'est limiter son sujet et son traitement.
C'est un peu le même concept que Incident, sauf que là, il n'y a aucune "œil" extérieur à la police. Je sais bien que, pour une fois, ce n'est pas eux qui ont tiré mais je ne pense pas que ce soit pertinent de faire un documentaire sur un crime raciste uniquement au travers des bodycam des policiers.
Éthiquement, je trouve certains passages dérangeants, ça met le spectateur dans la position d'un rapace qui se repaît de la souffrance, du drame ou de l'humiliation de Susan, bien qu'elle soit un être humain détestable.
Ça reste une grosse américanerie surtout sur la fin, avec des ralentis sur les enfants d'AJ, un discours inspirants, des sourires. Bref, ça passe à côté de son sujet pour préférer une mise en scène putassière.
Fondamentalement, ce documentaire ne dit rien. C'est un collage d'une série d'interventions policières du fait des agissements d'une vieille raciste, ça ne montre pas autre chose. Les images auraient pu, comme c'est le cas pour Il n'y aura plus de nuit (sur un sujet différent, on s'entend), d'un commentaire sur ce qu'il se passe. Mais non, Geeta Gandbhir choisit de délivrer un banal montage qu'on peut trouver en deux clics sur YouTube. Elle aurait pu tourner des interviews les habitants de la rue mais non, elle choisit de faire des ralentis sur les enfants de la victime... c'est ridicule.
Il n'y aucune intention cinématographique et aucune intention de faire un documentaire social.
C'est rageant parce que le sujet est bon et à un potentiel émouvant énorme. Mais elle n'en fait rien. C'est juste malaisant de mettre l'emphase sur un petit garçon qui pleure parce que sa mère vient de se prendre une balle.
Je conseillerais plutôt de voir Sud de Chantal Akerman, qui réussit à toucher au racisme systémique dans une petite ville du sud des États-Unis, après un crime raciste horrible, elle fait le portait des gens qui y vivent que ce soit les racisés qui en ont les victimes ou les blancs, policiers ou simples habitants qui le perpétuent. Akerman filme les espaces autant que les hommes, le présent autant que le passé. Chaque arbre tordu devient le souvenir des lynchages, chaque portion de route devient le souvenir du crime. Elle réussit à mettre de l'émotion et à livrer un portrait touchant et brut de cette même Amérique que le film se refuse à traiter.