Se déconfiner

La Voix humaine est un drame d’enfermement qui offre, à terme, à son personnage central une porte de sortie hors du théâtre sur lequel il semblait condamné à se produire et à répéter, encore et encore, le spectacle de son agonie. Le monologue – en réalité un faux dialogue entre la femme et un interlocuteur dont nous n’entendons ni le nom ni la voix – mute ainsi en condition sine qua non de la libération intérieure : c’est dans le conflit avec soi-même incarné par un tiers absent et coupable que l’individu en crise s’affranchit et recouvre son unité. Aussi, la femme interprétée ici par Tilda Swinton s’inscrit dans la tradition des grands personnages de femmes composés par le cinéma de Pedro Almodóvar.

Les coups de hache, la pulvérisation des porcelaines, l’incendie de l’appartement et de l’entrepôt enfin agissent en accélérateurs de particules : ils extériorisent le déchirement d’un être et annoncent sa réunification à venir, explicite lorsque l’actrice informe le chien qu’elle est désormais son nouveau maître. Le cinéaste manifeste ici un sens de l’espace remarquable et inscrit chacune des étapes du sevrage amoureux dans une pièce elle-même définie par un mélange de couleurs et de matières ; il tire du décor une mise en abyme de son cinéma, comme si ce dernier se voyait réduit à son essence pure, dépouillé et raccordé à son artificialité créatrice de vrai.

Une petite réussite, une œuvre de déconfinement – puisque son héroïne se libère à terme – des plus appréciables en ces temps incertains.