Le Maelstrom de l'horreur . Toutes les routes mènent à Soho.

Une jeune femme passionnée de mode. Voyage dans le temps et se retrouve mystérieusement dans les années 1960. Elle y rencontre une chanteuse en devenir. Cependant Londres de cette époque cache bien ses choses. De plus, le temps semble se désagréger .............


Si on peut considérer la trilogie Cornetto et la sitcom Spaced comme faisant partie "des films de Jeunesse" du cinéaste (et de sa bande de potes) , Baby Driver, était deja quant à lui le film de la scission , celui de la transition, le véritable passage à l'âge adulte (entamé avec le final de The World's end) ainsi que sa première grande collaboration hollywoodienne, un film de Major en apparence, pour ados, munis d'un casting Banckable et a la bo facilement commercialisable , un de ces high concept au scénario accrocheur, un film d'action musicale, qui se transformait petit à petit en un véritable thriller psychologique à la noirceur inattendue et au caractère introspectif insoupçonné . Alors "Last Night" apparait aujourdhui comme le film de la confirmation, celle d'un auteur arrivé à une sorte de maturité visuelle et artistique , sans commune mesure dans le paysage moderne du divertissement a gros budget .


Comme avec baby driver qui nous rappelait aussi que la frontière entre la comédie musicale et le cinéma d'action a toujours été très mince depuis les origines même du 7ème Art , la musicalité de la mise en scène de Wright retravaille ici en permanence tout un pan de l'imaginaire du cinéma d'épouvante sophistiqué et psychédelique des années 60 et 70 à travers une multitude d'allusions pop convocant aussi bien l'expressionisme du Répulsion (1965) de Polanski, les expérimentations optiques de l'Enfer (1964) de Henri George Clouzot, le technicolor du Voyeur (1960) de Powell, que le baroque du Suspiria (1977) de Dario Argento , une vision rétro de l'horreur qui inscrit le film dans la liste des hommages post modernes du cinéma contemporain avec des oeuvres comme la Dracula ( 1992) de Copolla, Sleepy hollow (1999) de Burton, ou plus récemment le Crimson Peak (2015) de Guillermo Deltoro.


Une approche de cinéma patchwork et ultra referencé typique de sa filmographie . Dans la continuité de Shawn of the Dead et son inventaire de l'histoire des films de Zombies, Hotfuzz et l'exégèse des codes du Buddy movie, World's end et son actualisation du body snatcher , Scott Pligrim et la mythologie du jeu vidéo ou encore Baby Driver et le détournement du film de casse.
Une réflexion qui interroge toujours le genre, le redéfinie pour en produire de nouveaux classiques de nouveaux archétypes.


Mais LNS ne se focalise pas seulement sur un assemblage de citations au cinéma horrifique, il façonne un facinant dialogue entre Les différentes époques de la culture populaire britanique qui précède ou succède Les Années Tatcher plus conservatives. Une fausse bulle de mélancolie dans laquelle on retrouve des visages familiers, le dernier rôle de Diana Rigg ( concluant ,une tradition des Acteurs Bondien apres Timothy Dalton dans Hot Fuzz et Pierce Brosnan dans World's end)
Rita Tushingham célébre actrice du Dr Zivagho de David Lean ( cinéaste anglais) un Matt Smith tout droit sortie d'un épisode de Dr Who et Les frères Phelps de la saga Harry Potter, il convoque aussi le Vertigo de Hitchcock ( autre grand cinéaste anglais ) avec son jeu de dédoublement identitaire (la blonde et la brune) .


Tourné à Londres avec un budget moins important et une nouvelle équipe, comme pour souligner un retour aux sources après une grosse période américaine et déclarer son amour des festivals indépendants du quartier de Soho qui ont lancé sa carrière , le film est aussi un hommage à ce lieu, situé à proximité de Piccadilly circus, berceau de la britpop ,centre hétéroclite de la mixité sexuelle, racine du swinging london, à la lisière entre la contre culture et les légendes urbaines du folklore londonien .


Un endroit rêvé pour un sale gosse accro de sous culture, dans lequel , une fois de plus, le cinéaste autiste obsédé d'images se met en scène, de manière moins explicite que dans Baby Driver, à travers une héroïne littéralement possédée par des souvenirs, une marionnette de fiction en communication direct avec le spectateur, grâce à une connexion esthétique et stylistique avec le passé, symbolisée par des visions et un jeu de reflets et d'aller retour temporel incessants, un sens du montage du rythme, des fameux inserts furtifs sur des objets du quotidien ( un interrupter, un verrou de porte, un vinyl,une pinte de bière ) et du fusil de Chekov ( Les ciseaux).Des artifices spécifiques au réalisateur .


Des hallucinations en forme de questionnement sur la place du cinéaste, du fan, ou même de l'histoire du cinéma, rappelant ainsi les flashforwards de Julie Christie dans le "Don't look now" de Nicolas Roeg (1973) qui n'étaient en fait que de néfastes prémonitions amenant le spectateur dans une impasse que seul lui même était capable de décrypter . Un jeu de références qui pose des questions sur les fantômes d'une nostalgie mortifère qui gangrène le Hollywood actuel, comme on pu le théoriser avant lui des réalisateurs tel que Spielberg avec Ready player one ou Tarantino avec Once upon a time in Hollywood.


Véritable Giallo contemporain aux résonances # Me too , où l'innocence est jetée en pâture à des hommes sans visage assimilés à des mannequins de couture (autres clins d'oeil à Six femmes pour l'assassin de Mario Bava 1964) le film fonctionne donc comme un avertissement, et appelle à se méfier des fantasmes du passé, à l'idéalisation des images et à leurs mauvaises interprétations, a décortiquer leurs significations et par conséquent, a reconstruire le véritable sens du récit tel un polar Italien ( l'oiseau au plumage de cristal, Profondo Rosso) et son jeu de fausses pistes.


En conclusion cet immense résau de réferénces doit être lu comme la remise en question d'un cinéaste par le biais d'un personnage surdoué (comme le héros de Baby Driver,avec sa structure et son parcours quasiment similaire ) qui doit apprendre à controler son environnement ( Wright et son équipe de tournage ) à démêler le vrai du faux, contourner les piéges de la société, appréhender sa porpre part d'ombre , pour comprendre que le monde est beaucoup moins manichéen q'un conte de fée, et que l'homme (et la femme ) reste un loup pour l'homme.

Florian_FASSETTA
8

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Créée

le 17 janv. 2022

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