Lawrence d’Arabie raconte l’histoire de T. E. Lawrence, jeune officier britannique excentrique, envoyé au Moyen-Orient pendant la Première Guerre mondiale. D’abord simple conseiller militaire auprès des tribus arabes, il devient peu à peu une figure centrale de la révolte arabe contre l’Empire ottoman, allant jusqu’à incarner une sorte de mythe vivant à la fois héros et énigme.
Mais plus le film avance, plus on comprend que cette grandeur est bâtie sur une faille, un déchirement. Car Lawrence, c’est surtout l’histoire d’un homme qui ne sait pas vraiment qui il est, et qui finira par se perdre dans l’image qu’il donne au monde.
Dès les premières scènes, j’ai su que j’étais devant quelque chose de plus grand que le cinéma. Le désert n’est pas un décor, ici. C’est un personnage. Un miroir. Un gouffre. Un lieu où le temps s'étire, où les ambitions brûlent, où les âmes se vident.
David Lean filme l’espace comme personne : un plan sur un grain de sable devient aussi dramatique qu’un plan de bataille.
C’est beau à en pleurer, mais jamais gratuit. L’esthétique sert toujours une idée : l’isolement, l’obsession, la fascination de l’inconnu.
T. E. Lawrence est un personnage immense, dans tous les sens du terme. Idéaliste, mégalomane, fragile, manipulateur, poétique, violent, pur et cruel à la fois.
Peter O’Toole lui donne une grâce étrange, presque irréelle. Ce regard bleu perçant, ce sourire inquiet, cette manière de parler doucement puis de hurler… On ne regarde pas Lawrence, on le cherche.
C’est un film sur la déconstruction d’un mythe, sur un homme qui devient légende, puis se fait piéger par sa propre grandeur.
Au-delà de l’aventure, c’est un film profondément politique. Il parle :
- -du paternalisme colonial
- -de la trahison des promesses diplomatiques
- -de l’impossible unité des peuples
de la manière dont l’Empire Britannique instrumentalise les identités locales pour mieux diviser et régner
Mais ce n’est jamais lourd. C’est subtil, distillé dans les silences, dans les regards des généraux, dans les tensions entre les chefs de tribus.
Ce n’est pas juste un film de guerre, ni un biopic, ni un film d’aventure.
C’est un film sur la solitude, sur l’ego, sur la foi et la trahison, sur ce que ça coûte de vouloir changer le monde quand on ne sait pas qui on est.
Lawrence of Arabia n’est pas parfait parce qu’il serait lisse. Il est parfait parce qu’il ose l’ampleur, l’ambiguïté, le vertige.
Parce qu’il te donne envie de te taire. De regarder l’horizon. De te demander ce que tu veux vraiment faire de ta vie.