Un de ces films qui n’a pas volé son statut de classique et référence du genre. Alors certes, dans l’ensemble, j’ai préféré …Et pour quelques dollars de plus, mais il ne faut pas ce mentir : Le Bon, la Brute et le Truand est effectivement un chef d’œuvre. Parce qu’il va au-delà de son genre, au-delà de son support, au-delà de son art. C’est une quintessence, ce qui en fait le meilleur film de cette trilogie.


Ce film est incroyable, parce qu’il y aurait tellement de chose à dire dessus et tant a déjà été dit. L’intrigue centrale est très simple en soit, mais les personnages sont tellement riches qu’on ne sait pas trop par quel bout commencer. Et puis il y a tellement de chose dans ce film, on y a presque 3 films différents, entre la Guerre de Sécession, l’errance des personnages, leur quête qui finit par se recouper. Sans oublier qu’on prend peu à peu conscience que ce film termine le cycle, boucle la boucle, de cette trilogie du dollar. Une sorte de prequel/rite initiatique, mais qui peut se prendre indépendamment et qui fonctionne tout aussi bien. Les trois protagonistes sont passionnants, tout en restant dans des archétypes très bien définit du western-spaghetti, mais encore une fois on va tellement plus loin que ce simple genre. C’est je pense la force de ce film.


Au final, la fibre Western n’interviendra que lors de quelques scènes pivot, qui marqueront les différents actes du récit, mais entre, on se retrouve avec tellement de choses différentes et pourtant tout s’assemble pour former un ensemble cohérent et passionnant. Encore une fois, les introductions des personnages sont fabuleuses, que ce soit du côté de Tuco, qui hérite également du rôle de ressort comique (et ça fonctionne), d’Œil d’Ange ou de Blondie. Chacun se définit dès ses premières minutes, et chacun captivera le spectateur dès ses premières scènes. Après, le film lui-même nous tissera les liens entre eux, les développera d’avantage et nous laissera apercevoir d’autres facettes. Tuco qui est un escroc opportuniste qui poignarderait son ami dans le dos, mais qui est au final presque trop naïf pour qu’on lui en veuille. Blondie qui se montre impitoyable mais loyal envers son code moral. Ou bien Œil d’Ange, tortionnaire raffiné sans scrupule.


Ces trois personnages forment un trio qui fonctionne à merveille, et c’est ce qui rend cette célèbre scène du cimetière si intense et efficace. Et en prenant pour prétexte de suivre ces personnages, Sergio Leone va nous faire découvrir d’un œil critique les horreurs de la Guerre de Sécession, la confiance, l’amitié, l’honneur, l’égoïsme… énormément de thèmes ici et là et qui, malgré la densité et la taille de l’œuvre, ne se retrouvent pas noyés mais au contraire transcendés. Le rythme aussi est important dans ce film : alors qu’il faut bien ses 179 minutes, il ne souffre d’aucun réel temps mort, car chaque passage est là soit pour installer une tension (la première demi-heure juste pour présenter ses personnages avec des dialogues minimalistes, c’est du régal). Même le second acte, pendant l’errance dans le désert, tout fait pour qu’on sente l’accablement et la fatigue de Blondie.


Idem lorsqu’on a l’impression que le film se perd dans la Guerre de Sécession, chaque scène est là pour apporter quelque chose aux personnages, d’autant plus que cela fait presque effet de ressort comique tombant à pique, renforçant ainsi les liens avec le western-spaghetti. Tant d’éléments qui font de ce film une quintessence, la référence du genre, un classique du cinéma. Parce qu’il est tellement riche et incroyable qu’il faudrait le regarder des dizaines de fois pour en saisir toutes les nuances. Et puis, ce film nous met la patate !


Je ne vais pas m’attarder sur l’aspect technique du film, car une nouvelle fois c’est pratiquement parfait à tous les niveaux (mise en scène magistrale, décors sublimes, montage efficace, photo superbe). La musique d’Ennio Morricone est un véritable régal, racontant toujours sa propre histoire et nous transmettant les émotions des personnages, transcendant chacune des scènes. D’ailleurs, fait amusant, j’ai repéré quelques similitudes avec ce que Morricone a composé bien plus tard pour Les 8 Salopards de Tarantino, notamment la scène où Tuco trouve la première ville, et aussi le thème de la Guerre de Sécession. Et puis cette arrivée dans le cimetière, rarement un film ne m’avait donné autant de frissons, et pourtant cette musique est légendaire.


Quant au casting, c’est tout aussi flamboyant. On retrouve Clint Eastwood dans son rôle de l’Homme sans nom, et il prend là une tout autre dimension car non seulement son personnage a plus de prestance et d’importance, mais Eastwood réussit justement à transférer tout ça dans son jeu, son regard, son langage corporel. On sent une véritable assurance, comme si des automatismes s’étaient mis en place, rendant cette prestation la meilleure de la trilogie. Lee Van Cleef m’a un peu moins marqué que dans ...Et pour quelques dollars de plus, mais il est tout bonnement impérial dans les quelques scènes où il apparaît, débordant de charisme et de malice.


Le duo s’accompagne cette fois-ci d’Eli Wallach, qui est purement fantastique en Tuco : dès les premières scènes, on s’y attache d’une certaine façon, et il réussit très bien à incarner toutes les facettes du personnage. Et puis non seulement ils lui ont fait une gueule qui va bien avec, mais son regard est tout aussi expressif que ces dialogues. Il aura d’ailleurs droit à une des répliques qui illustrent parfaitement le « show, don’t tell » que Leone utilise à la perfection dans ce film. Gros coup de cœur pour Aldo Giuffrè, dans son très court rôle mais bon sang, son personnage est incroyable et il nous transmet toute cette folie de vivre. J’avais déjà remarqué Luigi Pistilli dans le film précédent, et là on le retrouve avec un petit rôle très chouette dans une scène vraiment superbe entre lui et Wallach. Idem pour Mario Brega, qui a une nouvelle fois un rôle fantastique qu’il incarne à merveille.


Le Bon, la Brute et le Truand est donc un de ses films qui ne démérite pas son statut de film iconique. Bien plus qu’un western-spaghetti, bien plus qu’un simple film tout court, c’est une œuvre incroyablement riche et puissante prouvant qu’une intrigue simple peut donner un grand film du moment que c’est bien écrit. Sergio Leone a ainsi acquis la confiance qu’il lui fallait pour créer quelques chose d’aussi ambitieux qui transcende son support et son art. Donc oui, même s’il manque quand même des personnages féminins, même si en soit j’ai préféré son prédécesseur, Le Bon, la Brute et le Truand est un chef d’œuvre, un des meilleurs films jamais réalisés. Un des plus grands classiques de notre patrimoine tout simplement.

vive_le_ciné
10

Créée

le 14 janv. 2018

Critique lue 230 fois

vive_le_ciné

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