Ha, j'pensais que c'était un film français en noir et blanc datant des années 40, en fait c'est un film français en couleurs datant des années 70 !


Diantre qu'est-ce que je me suis embêté devant ce film ! Pourtant, tout se prêtait au bon p'tit thriller un rien angoissant : le cadre, les personnages (bon d'accord, dit comme ça, ça paraît peu, mais c'est pourtant déjà beaucoup). Seulement voilà, rien n'est exploité. La structure narrative fait elle-même défaut puisqu'il ne se passe pratiquement rien durant tout le film : trop peu de conflits (les rares scènes mémorables sont d'ailleurs les seules présentant un minimum de conflits, de tension, d'enjeux). L'objectif, il n'y en a pas non plus, on suit juste les personnages, ce qui a un peu de charme étant donné que c'est rythmé par les longues conversations que les deux bougres ont régulièrement (en marchant la plupart du temps).


Les personnages ne sont pas inintéressants mais sont pauvrement exploités. D'ailleurs je ne comprend pas ce que l'auteur a voulu faire avec son méchant : cette tentative de faux suspense est complètement ratée ! Dès le début, on comprend qui est le tueur, il n'y a aucun doute possible (toujours à parler de la guerre en plus) et puis un peu après la moitié du film, l'auteur décide de nous mener sur une fausse piste, en innocentant le suspect principal (le seul puisqu'il n'y a que deux personnages principaux). Sauf que cela ne durera que quelques minutes, le méchant ayant tôt fait de se révéler aux spectateurs. C'est d'un triste ! Pour faire cela, autant assumer dès le début l'identité du tueur afin de l'exploiter au travers de l'ironie dramatique ! Ici il ne se passe tout simplement rien. Quant aux réactions de l'héroïne, elles sont assez faibles, non pas à cause du briquet, mais parce que ça ne mène à rien, à aucune réelle confrontation, aucun réel doute de sa part...


Les scènes sont répétitives : les dialogues ne sont pas mauvais en soi mais voir les personnages parler autant et toujours des mêmes choses, c'est lassant. Surtout que ç'aurait pu être l'occasion d'exploiter les caractérisations ou encore d'écrire des scènes un peu plus parlantes (par les faits, pas par la parole). D'ailleurs il y a peu de scènes durant lesquelles il se passe quelque chose dans ce film. La plupart du temps ça parle sans que le texte ne soit vraiment intéressant (tant dans le fond que sur la forme).


L'histoire d'amour ne prend pas. Les personnages ne font que parler. C'est parfois un peu touchant mais vu la qualité des dialogues, difficile de se prendre au jeu. Et quant arrive le moment où l'héroïne fait preuve d'amour, c'est un peu gênant, on n'y croit pas trop. On n'y croit que parce qu'on est bien obligés, que parce qu'on sent que Chacha nous susurre dans le creux de l'oreille, tel un spectateur dans une salle de cinéma, ce qui est évident pour tous : ils sont amoureux. C'est dommage, pour moi il m'a manqué de vraies preuves d'amour, de vrais actes amoureux, une vraie complicité, un vrai travail sur la relation entre les personnages. Je pense qu'en assumant un peu plus l'identité du tueur, les sentiments amoureux du bonhomme seraient mieux ressortis et auraient paru plus clair, par conséquence.


La mise en scène est un peu maladroite. La séquence la plus bizarre, c'est lorsque l'héroïne fait son yoga, elle est en tenue de yoga, la police sonne plusieurs fois, elle descend, elle a complètement changé de tenue... ce n'est pas grand chose, mais c'est bizarre (une scène coupée peut-être?). Il y a de longs plans séquences durant les scènes de dialogue, c'est plutôt chouette mais on sent parfois que la caméra est limitée, que ce sont les acteurs qui doivent bouger pour varier les cadres.


Heureusement qu'ils sont là les acteurs, ils font ce qu'ils peuvent pour sauver les meubles. Seul Jean Yanne convainc réellement : le bonhomme parvient vraiment à enrichir son personnage de par sa manière de s'exprimer, de par son attitude. En face, l'actrice principale fait ce qu'elle peut mais elle est parfois un peu trop amorphe, un peu trop mécanique. Dommage. Quant aux figurants, ils font vraiment juste leur figuration. Cela donne lieu à cette scène complètement surréaliste dans l'hôpital, à la fin, avec les médecins/infirmiers les plus apathiques au monde ! Je ne sais pas si c'est fait exprès pour faire rire ou pas en créant un décalage, dans tous les cas je n'ai pas beaucoup ri car ce n'était pas assez mis en valeur comme étant surréaliste. C'est à croire que l'auteur ne connaît rien aux hôpitaux. Tout comme il a l'air de ne rien connaître des écoles, du travail de Directeur, des enfants... tout paraît tellement faux dans ce film. Cela en devient intéressant, quelque part, comme si c'était fait exprès, et c'est peut-être bien le cas, sauf que ce n'est jamais assez exploité, que le faux apparent n'est pas assez radical, passez creusé narrativement.


Revenons à l'image : la photographie est globalement plaisante. Déjà grâce au grain typique de la décennie, ensuite parce qu'il y a quelques compo et jeux de lumière franchement intéressants. Quant aux plans séquences, aussi maladroits puissent-il être parfois, on y trouve quelque chose de poétique, une sorte d'ambiance hypnotisante qui se confirme sur la fin, avec ces interminables travelling avant sur la route.


On trouve également de bonnes idées dans le travail sonore, notamment avec l'église. Mais j'ai trouvé la musique assez envahissante, au point de ridiculiser certaines scènes : cette volonté d'afficher quelque chose de sérieux, de thrilleresque au travers de thèmes musicaux un peu glauques, ennuie parce que ça renforce l'idée que le tueur est...... sans pour autant amener un quelconque décalage ni quoi que ce soit. Du coup, ça devient vite agaçant car répété trop souvent.


Bref, on s'emmerde parce qu'il ne se passe rien, mais il reste quelques qualités techniques et quelques idées narratives sympas qui sauvent le film du désastre complet.

Fatpooper
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le 26 avr. 2017

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Fatpooper

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