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Vu mardi soir, c'était bien.


Trois ans après Sully, ce nouveau film de Clint Eastwood se pose comme une nouvelle variation du héros "ordinaire" – cet anonyme dont le professionnalisme va un beau jour sauver de nombreuses vies – et de l'acharnement dont il va ensuite être victime de la part des institutions de son propre pays. Acharnement d'autant plus cruel et humiliant ici qu'il repose entre autres sur les situations professionnelle (ratée – l'homme se rêve policier mais doit se contenter d'être agent de sécurité), personnelle (bidesque – le gars vit chez sa mère à trente-cinq piges) et physique (déplorable – il est obèse) de l'intéressé, alimentant toutes les trois la piste d'un raté frustré (une accusation humiliante auquel aura au moins échappé le capitaine Sully, qui avait pour lui d'exercer un métier prestigieux, d'être marié et d'avoir de l'allure). Bref, plombé par ce profil nettement moins glorieux ainsi que par une victoire nettement moins éclatante (deux morts et une centaine de blessés à déplorer tout de même), ce Richard Jewell partait sensiblement plus mal que son homologue héroïque Sully.


Clint Eastwood le traite pourtant avec autant d'humanité et de dignité que ses précédents héros, évitant au passage le piège du portrait excessivement élogieux – et donc insupportable : son Richard Jewell est un beauf apathique et pas très futé autant qu'il est un fils aimant et un héros désintéressé. Et un innocent, donc. Un innocent qui va pourtant se retrouver broyé par les impitoyables machines policière et médiatique (ici très intimement – au sens charnel du terme – liées : l'agent fédéral en charge de l'enquête et la journaliste à l'origine de la publication de cette enquête couchent ensemble). Comment conserver sa dignité quand on doit baisser la tête devant un groupe de policiers pour se laisser épiler un à un vingt-cinq de ses cheveux afin qu'ils soient analysés ? Comment rester digne quand la police débarque chez soi et fouille dans ses sous-vêtements ? Quand les personnalités médiatiques que l'on admire salissent son nom à longueur de journée à la télévision ? Quand un parterre de journalopes campent jour et nuit sur le seuil de sa porte à l'affut du moindre pet de travers ? Réponse : on ne peut pas. On est baisé.


Et c'est tout le sujet du film, qui dénonce assez violemment – et efficacement – les abus du FBI d'une part et des médias de l'autre. Je pense à cette scène fascinante (et curieusement tout à fait crédible) dans laquelle les fédéraux tentent de piéger Richard Jewell et de lui faire signer des aveux en lui faisant croire qu'ils sont simplement en train de tourner un documentaire pédagogique. C'est trop gros pour être inventé... Ou encore lorsqu'ils attendent comme des chacals que son avocat ait enfin le dos tourné pour lui sauter dessus et lui faire réaliser un enregistrement – qu’ils espèrent évidemment accablant. Bref, les méthodes employées sont parfaitement révoltantes et le tourbillon médiatico-policier mis en scène aussi passionnant qu'effrayant. Ce qui rend le film vraiment captivant de bout en bout. Encore une fois, Clint Eastwood arrive à transformer un fait divers pas forcément très excitant sur le papier en un beau film à la fois très intéressant (sur ce qu'il dit du système américain) et touchant (le discours de Kathy Bates en tête).


Je lui tire donc mon chapeau.


Et je lui dis à l’année prochaine !

ServalReturns
7
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le 20 févr. 2020

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ServalReturns

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8

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