Le Cercle Rouge, c’est d’abord une leçon de mise en scène. Melville y déploie une maîtrise du cadre, du silence et du rythme qui confine à l’épure.
Le casting est tout simplement exceptionnel, Alain Delon, Gian Maria Volonté, Yves Montand… et surtout Bourvil, immense surprise pour moi. Je l’avais toujours vu dans des rôles comiques, et le découvrir ici, dans le costume sobre et grave du commissaire Mattei, m’a bluffé. Il impose un calme, une retenue qui servent magnifiquement son personnage. D’ailleurs, savoir que le rôle devait initialement revenir à Lino Ventura donne une saveur particulière à l’interprétation de Bourvil.
Il y a dans ce film une élégance rare. Les dialogues sont justes. Cette phrase sur l’innocence (“tous les hommes sont coupables…”) résonne longtemps. Et visuellement, Melville touche à la perfection, le jeu d’ombres et de lumières, les plans larges sur les toits de Paris, la lenteur du zoom dans la scène du train, la silhouette de Delon dans le noir, les regards échangés sans un mot… tout contribue à construire une tension sèche, froide, presque clinique.
La scène d’introduction de Jansen (Yves Montand) reste l’un de mes moments préférés du film, j’étais halluciné, terrifié... Et la scène où, après le casse, il renifle sa flasque, sans boire… que dire… je suis fan…
J’ai aussi adoré les petits détails de mise en scène qui renforcent la cohérence de l’univers. Cette craie rouge sur la queue de billard, qui évoque visuellement le titre du film. L’apparition de Corey à travers le Judas de porte au début... Ces éléments renforcent subtilement la présence du “cercle”, sans jamais le nommer.
À noter aussi la beauté simple de certaines scènes plus calmes, comme les premiers échanges entre Corey et Vogel, juste après la fuite de ce dernier. On ressent une certaine méfiance puis la confiance naissante. De même, la partie de billard, filmée du dessus est hyper esthétique!
Et puis cette fin, implacable. Froide. Inévitable. Elle donne enfin toute sa résonance au titre du film. Le Cercle Rouge, ce n’est pas seulement un casse bien huilé, c’est une philosophie, presque une fatalité, celle d’hommes qui, sans se connaître, étaient destinés à se rencontrer et à tomber ensemble...