♫ Avec mon coeur de voleur...

1979. Le premier film du maître. Un certain vent chaud n'a pas encore soufflé. L'avion de reconnaissance n'a pas encore pris son envol. Son réalisateur, lui, trouve le petit écran trop étroit pour ses aspirations. Mais il les a polies pour les exprimer pleinement, un jour ou l'autre.

L'occasion était trop belle. Celle de détourner un film de commande. Pour mieux l'exécuter à sa main, se l'approprier et l'irriguer des thèmes qui feront sa gloire.

Cette occasion, c'est Le Château de Cagliostro, véritable inventaire des succès à venir, comme Le Château dans le Ciel, auquel le film fait immédiatement penser.

Le gentleman cambrioleur est toujours aussi décontracté et cool. Signe des temps, en 1979, au Japon, sa clope constante a droit de cité à l'écran. Tandis que son humour le traverse. Dans l'action, les bruitages parfois outrés ou l'animation exagérée des personnages.

Sauf que le film baigne dans une tonalité toute européenne, souvenir des voyages du maître. On jurerait pouvoir rencontrer au détour de certains décors une petite sorcière comme Kiki, ou Porco Rosso. Tandis que l'amour des belles mécaniques se fait déjà sentir, tant dans les airs que sur le bitume, le temps de courses poursuites échevelées entre voitures indémodables et immédiatement reconnaissables.

Le château, lui, semble emprunter beaucoup du côté de Paul Grimault dans son esthétique générale. Le tout tirant indéniablement du côté du conte, avec sa princesse captive au sommet de la plus haute tour. La structure générale apparaîtra dès lors des plus enfantines, alors même que la quête du voleur, ou encore leurs implications politiques, relèvent d'une certaine gravité. Tout comme le héros, qui glisse tout au long du récit vers cette caractéristique, avant d'être montré faillible et en situation de faiblesse. Drôle d'impression, surtout lorsqu'une couleur rouge éclabousse de tout son éclat l'un des toits du château...

Au point d'oublier la naïveté initiale. Car Hayao irrigue sa première réalisation de sentiments peu communs dans un film qualifié de "pour enfants", surtout à l'aune de la production actuelle. A l'image de cette plongée macabre dans des sous-sols jonchés de squelettes, ou à l'occasion des multiples apparitions de la garde rapprochée du comte, étranges ninjas quasi spectraux et inquiétants. Tout comme le climax dans ce clocher, cerné par la mécanique à l'oeuvre, les gigantesques rouages et les escaliers sans fin.

Le personnage d'Edgar, lui, balance entre son attitude désinvolte, son humour et ses poses plus graves, agitées de ses souvenirs, ses attirances, laissant la part belle à sa comparse Magali. Et surtout, un romantisme issu d'un autre temps, que le doublage français rehausse un peu plus encore. Un raffinement et un amour courtois donnant une superbe scène intimiste entre le brigand et la belle captive, dans une innocence qui ravit le coeur, comme Edgar s'empare de celui de Clarisse... Et de celui du spectateur conquis, qui n'aura qu'à déplorer, très maigre défaut, une légère baisse de régime dans l'acte central...

... Avant de repartir de plus belle dans son action effrénée et virevoltante, dans sa drôlerie discrète, dans ses jolis sentiments simples et purs montrant un voleur vulnérable.

En 1979, avec Le Château de Cagliostro, soufflait déjà un vent nouveau...

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