Ilan Klipper livre une comédie métaphysique rare, un film à la fois drôle, absurde et profondément touchant. Sous ses airs modestes, ce huis clos lumineux abrite une réflexion délicate sur la solitude, la création, et la manière dont les autres, proches, soignants, société, posent un regard normatif sur ceux qui échappent aux cadres.
Le récit est simple en surface : Bruno, écrivain quinquagénaire, autrefois salué pour un roman publié vingt ans plus tôt, vit reclus dans son appartement, absorbé par ses pensées, ses lectures, et une vie intérieure foisonnante. Son entourage s’inquiète. Un jour, une intervention familiale improvisée, avec médecin, ex-compagne et parents, vient perturber son équilibre. Mais là où le drame guette, Klipper choisit l’humour.
Le film s’ouvre alors à une absurdité douce, presque beckettienne, où chaque personnage semble coincé dans sa propre logique, où les dialogues tournent en boucle, pleins de malentendus et de silences éloquents. L’humour y est sec mais toujours porté par une tendresse fondamentale pour ceux qui dérivent à la marge du réel social.
Le huis clos n’est pas ici un enfermement, mais un espace de résonance mentale et poétique. L’appartement devient un monde en soi, un théâtre mental où les temporalités se brouillent, où les mots flottent comme des bulles de pensée. Klipper y construit une mise en scène minimale pourtant suffisamment précise.
La force du film réside dans sa poétique du quotidien décalé, dans sa manière de suspendre le temps pour mieux ausculter l’intériorité d’un personnage en crise. Il ne s’agit pas ici de dénoncer la folie, ni de la caricaturer, mais de l’habiter, comme un mode d’être au monde. C'est déroutant et sublime !