Il ne manque pas grand-chose à "Le Cœur d'une épouse" pour constituer une vraie réussite comme d'autres films chez Naruse, et ce petit truc qui fait défaut peut laisser une certaine amertume au terme du voyage en compagnie de Hideko Takamine — une de leurs collaborations parmi les 17 au total. Même si les enjeux ne m'ont pas passionné, la faute à une composante mélodramatique relativement timorée et à une sorte de chronique du quotidien un peu trop bassement pragmatique, Naruse conserve son talent pour composer des portraits féminins émouvants, aucun doute là-dessus. Et Takamine le seconde admirablement bien en incarnant cette femme dont on peine à doser les parts de dépendance et d'indépendance au sein de son couple et de sa famille.
C'est ce qui m'a le plus captivé ici : sous certains aspects, son personnage Kiyoko fait preuve d'une force d'esprit et d'une capacité d'initiative tout à fait tranchantes, alors que sous d'autres, on dirait qu'il lui manque un tout petit sursaut d'orgueil pour définitivement prendre son envol. C'est une femme qui prend les choses en main quand le magasin de son mari peine à garantir leur subsistance, en ouvrant à son compte un café et en sollicitant un prêt auprès d'une banque ; Naruse nous montre même le début d'un commencement d'un flirt avec Toshirō Mifune, 100% charisme, employé de banque dans une situation maritale d'insatisfaction en miroir — mais avec leur maladresse et leur hésitation d'adolescent timide, ils ne s'avoueront jamais leur crépitement intérieur. Elle avait pourtant le hall pass de son mari, qui avait fauté auparavant avec un ami en compagnie de deux geishas. Mais non, elle fera le choix de rester avec son benêt de mari, sans doute pour incarner une droiture d'esprit incomparable, sans qu'on sache à quel point amour ou bienveillance ont contribué à sa décision. Il y avait là le début d'une vie fantasmée, la promesse d'un second souffle, mais Takamine fait le choix du retour au réel, la tête haute. Surprenant.