Il est effectivement étonnant qu'un pédocriminel tel que Matzneff continue d'être encensé depuis tout ce temps. Un type qui parle notamment dans ses livres de ses pérégrinations à Manille où il faisait du tourisme sexuel, en ayant des rapport sexuels sur des garçons de 8 ans. Mais il parait qu'il écrit bien, et puis c'est la liberté d'expression... j'imagine.
On y suivra ici Vanessa Springora, l'une de ses conquêtes, au sens propre du terme, vu la manière dont Matzneff la draguera. Le film appuie d'ailleurs un peu trop l'insistance et le glauque du personnage dans son approche, le film se veut donc sans ambiguïté (donc sans prise de risque, ce qui est dommageable). Et plutôt que de se retenir sur l'horreur, il ira suffisamment loin pour causer ce que j'appellerai de l'appel au dégoût, pour vraiment nous faire détester ce personnage. Etait-ce nécessaire, je ne sais pas.
Le personnage de la mère aussi est intéressant, elle qui ne semble pas avoir de problème à trainer avec un pédophile (notamment en le laissant dans sa voiture derrière avec sa fille). Mais quand il commence à sortir avec sa fille, ça la dérange un peu plus, un peu hypocrite, mais son comportement se révélera assez contradictoire par la suite, probablement car elle n'arrive pas à faire face à Matzneff.
En deuxième partie, je trouve que le film commencera à partir un peu dans tous les sens, avec un enchainement de situations qui semble venir de nulle part, ou qui semble un peu plus brouillon, avec notamment des personnages qui ne sont pas introduits. Mais c'est probablement cohérent avec l'état mental du personnage principal qui sombre petit à petit, et qui devient de plus en plus chamboulé, notamment avec la consommation de tabac et d'alcool excessif, malgré son jeune âge.
Le cas Matzneff est effectivement intéressant à décoder, pourquoi une telle impunité, qui n'est même pas cachée et qui est bien décrite et expliquée dans ses livres. Mais le film (qui est une adaptation du livre de Vanessa Springora, qui est le personnage principal) ajoute t'il sa pierre à l'édifice de cette affaire ? A mon avis, pas complètement, cinématographiquement je ne trouve pas le film spécialement pertinent, quand bien même le sujet mérite d'être médiatisé et de passer au cinéma, et la manière de montrer les manipulations et les différents stratagèmes de Matzneff pour parvenir à ses fins est plutôt intéressant, voire didactique, notamment sur la notion de consentement, qui ne se résume pas à un simple "oui". La contrainte exercée sur la jeune fille est donc plutôt vraisemblablement communiquée, et tout cela sans artifice, et c'est peut-être cela la force du film, de ne pas rendre sensationnaliste son personnage (malgré quelques scènes un peu dégoutantes). Il y a bien quelques scènes que j'ai trouvé un peu forcé, notamment quand elle dit à une copine qu'elle lit des lettres d'amours, mais qu'elle refuse de les lui faire lire avec un ton très sec, et la musique de tension qui arrive juste après, comme une sentence terrible.
Bref, un film qui ne me convainc pas totalement, mais qui me semble assez important dans ce qu'il renvoie, notamment sur l'affaire Matzneff, et surtout sur le sujet de la pédocriminalité, toujours extrêmement impunie (voire plébiscitée par une certaine élite intellectuelle). Kim Higelin réussit parfaitement à tenir son rôle de jeune fille manipulée, tandis que Jean Paul Rouve semble presque méconnaissable dans ce rôle glauque.
(Vu le 14 octobre 2023 au cinéma)
On en parle dans le Ciné-florg #57