Quelques secondes arrachées au désespoir

Dans ma cinéphilie, j'ai quelques plaisirs coupables. Ainsi, je reconnais le manque de qualité plus ou moins grand de filmscomme Le Professionnel, L'Animal ou Flic ou Voyou, mais je ne peux m'empêcher de les aimer. Et dans ces 'Belmonditudes' (post Peur sur la Ville), l'oeuvre la plus réussie est pour moi Le Corps de mon ennemi.


J'aime la complexité de cette histoire. Plusieurs époques s'entremêlant, centrées sur le présumé crime de François Leclerc, avec tant de thématique : histoire sociale, histoire de vengeance, histoire d'amour. Le tout porté par une voix-off incarnée et presque lyrique, et des scènes de songeries, où les souvenirs d'un passé perdu s'incarnent dans le réel d'un présent désanchanté.


Si l'histoire de vengeance est classique, et l'histoire d'amour assez secondaire, socialement, c'est Icare et l'ascenseur social. Un fils du prolétariat, qui, en tombant amoureux de la fille du grand industriel de la ville, se mêle à son gratin bien installé. Mais il reste un étranger, et lorsqu'il découverte qu'il est l'idiot utile d'un système mafieux, il en devient le bouc émissaire. Et en assassinant la star de l'équipe de football local, il devient même un monstre au yeux de tous.


Il me reste en tête cette scène de déambulation dans les rues vides d'une ville qui vit au rythme et au son d'un match de football, et cette scène finale, qui finalise la vengeance d'un homme prêt à tout pour laver son honneur.


Le Corps de mon Ennemi est une critique acerbe de la fabrique de la modernité, de l'étalement urbain, du capitalisme et de la société de consommation. Il dresse un portrait sans concession d'une société bourgeoise qui met à l'abri ses propres membres, pour pérenniser l'ordre établi, et idéalise le solitaire et le débrouillard.

Agregturp

Écrit par

Critique lue 66 fois

1

D'autres avis sur Le Corps de mon ennemi

Le Corps de mon ennemi
Ugly
8

Une ardoise à payer

Ce film fait suite aux films de Verneuil, le Casse et Peur sur la ville, ainsi que l'Alpagueur de Labro qui étaient des polars basés sur l'action et la dérision, avec un Bébel détendu et jovial. Ici,...

Par

le 26 févr. 2019

37 j'aime

23

Le Corps de mon ennemi
Plume231
5

Le Retour du proscrit !

Ce film est situé au début de la deuxième partie de la carrière de Jean-Paul Belmondo (qui durera jusqu'à l'échec du Solitaire !). La période où cet acteur légendaire alternait films d'auteur avec...

le 7 sept. 2021

23 j'aime

11

Le Corps de mon ennemi
JeanG55
8

Nous lui avons mis le pied à l'étrier, messieurs. Nous l'avions adopté.

Dans la filmographie de Verneuil, ce film se situe après "Peur sur la ville" et avant "I comme Icare". Et côté Jean-Paul Belmondo, ce film se situe entre "l'alpagueur" (Labro) et "l'animal" (Zidi) /...

le 27 mars 2022

12 j'aime

5

Du même critique

Adieu les cons
Agregturp
8

Les Choses de la Vie

Je ne pleure que très rarement devant un film. J'ai beau être quelqu'un d'émotif, presque à fleur de peau, mais le cinéma, malgré toutes les émotions qu'il parvient à me procurer, a toujours échoué à...

le 6 avr. 2021

6 j'aime

2

Don't Look Up - Déni cosmique
Agregturp
9

2020s in a nutshell

Satire égratignant son époque, la nôtre, la mienne (j'ai 25 ans, en cette toute fin Décembre 2021) à la quasi-perfection, Adam McKay réussi, dans Don't Look Up, un film total, drôle et mélancolique,...

le 29 déc. 2021

5 j'aime

2

Cloud Atlas
Agregturp
8

Adapter le roman inadaptable qui m'a forgé

Remontons en arrière. J'ai 15 ans, je suis en première, et avec ma meilleure amie, Pauline, nous regardons en boucle cette bande annonce de 6 minutes, hypnotisante et mélancolique, mêlant à des...

le 14 juil. 2021

5 j'aime

2