Au début, on ne comprend pas. C'est une succession d'images montrant l'implosion d'une relation, mais ça ne va nulle part, c'est déjà perdu dans le brouillard italien. L'émotion est absente, bloquée par cet univers photographié dans un noir et blanc superbe aux infinies nuances de gris.
Et puis petit à petit, on comprend où l'on va, on se laisse porter dans cette histoire apparemment morose, avec parfois des touches de gaité, quand une petite fille agit comme une petite fille ou un grand-père comme un grand-père.
Et c'est là que le film se révèle enfin, dans la durée. Parce que pendant les deux heures, on suit juste cet ouvrier, perdu mais charmant, séduisant toutes les femmes sur son passage, pour les abandonner aussi vite après une relation confuse. On comprend que l'on ne peut pas s'en sortir, que le brouillard est partout, que les femmes non plus n'ont pas la solution. De toute façon, tout le monde est muet. Personne ne connaît le problème. Antonioni ne le montre pas avec des gros sabots. Le problème est juste là, suggéré mais omniprésent dans l'image, poussant Aldo toujours plus loin dans son errance.
Et quand on réalise enfin que l'on regarde fasciné les tribulations de cet ouvrier mutique à travers cette Italie pauvre, on réalise enfin que les images, pourtant banales et ternes, sont juste l'expression d'une forme de génie, de quelque chose d'infiniment plus grand.
On se rend compte que c'est la perdition moderne que l'on regarde, de manière tellement subtile que l'on se retrouve aussi entrainé dans ce brouillard interminable.
Avec l'impression indépassable d'assister , dans cette austérité poétique, à quelque chose d'immense.
Un film infiniment vrai. Simplement fascinant.