Quand vient l'heure du duel

Est-ce qu'il vous est déjà arrivé d'écrire sur un sujet complexe, vous voir partir dans moult tangentes afin de mettre en lumière toutes les nuances et finalement accoucher d'un texte brouillon, sans aucune poigne?

Ridley Scott se risque à l'exercice et traite du viol à travers une histoire médiévale, sur 2h30, avec une structure Rashomon, et pas plus de 15 minutes de scènes d'action au compteur.

Soutenue par des acteurs et une réalisation au cordeau, la structure narrative va dérouler une même séquence d'évènements sous trois angles différents. Un format rare, parfait pour le thème, qui permet de jouer sur différents niveaux de lecture. Si le jeu d'acteur permet de sentir les différences d'appréciation des situations, la présence ou l'abscence de certaines scènes dans la mémoire des personnages permet aussi d'étoffer habilement leur perception d'une même réalité.

On touche à beaucoup de sujets durs: la domination pendant l'acte, l'abnégation devant l'injustice, l'égo des hommes, la misogynie rampante d'une la société .. sans pour autant perdre le cap grâce au duel final, dont l'absurdité vient rajouter une dernière couche à une toile de fond pourtant déjà bien riche.

On passe les dix dernières minutes sous une tension comme seul le cinéma peut produire, et on sort secoué d'avoir eu droit à autant de profondeur et de prise de risque pour ces niveaux de budget.

D'ailleurs j'espère que le film vous a plu parce qu'après le bide qu'il s'est pris au box office, on ne devrait plus rien voir de tel avant 3 ou 4 ans.