LA BÊTE TUE DE SANG-FROID, titre français assez racoleur et peu clair, est un film de rape and revenge très inspiré de LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE de Wes Craven. Il s’agit donc, comme très souvent à cette époque dans le cinéma italien d’exploitation, de surfer sur le succès commercial d’un film américain. Aldo Lado, qui affirme d’ailleurs n’avoir pas vu le film de Wes Craven avant de faire le sien, réalise cependant un film original qui se démarque de son modèle, d’une part en situant l’action dans un train de nuit, d’autre part en donnant à l’histoire une dimension fortement politique, ce qui n’est guère étonnant quand on connaît un peu ce cinéaste. Le film vaut surtout pour l’extraordinaire interprétation de Macha Méril dans le rôle tout à fait surprenant (on l’a tout de même connu dans le rôle principal d’un film de Godard, UNE FEMME MARIÉE) d’une bourgeoise très distinguée qui se sert de deux voyous, manifestement issus du prolétariat, pour satisfaire ses pulsions perverses et sadiques. Âmes sensibles, passez votre chemin, car la longue scène du calvaire et de la mort des deux jeunes filles, filmées dans une lumière bleue glaçante, est difficilement soutenable. La critique sociale, la bourgeoisie manipule et exploite le peuple, est manifeste, notamment dans l’épouvantable scène du viol au couteau où c’est la main de la bourgeoise qui guide la main du voyou. Elle l’est aussi dans le personnage de ce bourgeois, « bon père de famille », qui n’hésite pas à se rincer l’œil et même à participer au calvaire des deux jeunes filles, tout en téléphonant anonymement à la police par la suite. Enfin, le film dénonce aussi les préjugés de classe dans sa fin, vraiment remarquable, que je ne dévoilerai pas ici. Pour un film d’exploitation la symbolique est riche. Ainsi, la voilette portée par la bourgeoise, complètement anachronique dans les années 70, révèle sa vraie nature dès le moment où elle enlève. Elle est le masque de la respectabilité bourgeoise derrière lequel se cachent les pires instincts, instincts qui se déchaînent dès qu’il est enlevé, et sont refoulés dès qu’il est remis. Quant à la mise en scène, elle est plutôt efficace, assez élégante, et comporte plusieurs idées intéressantes, comme celle de filmer en parallèle le calvaire des deux jeunes filles et la fête de Noël chez leurs parents. Le film comporte aussi une des plus belles scènes érotiques que j’ai pu voir, scène où Blacky, l’un des deux voyous, coince la bourgeoise dans les toilettes du train avec l’intention de la violer et où c’est elle qui finit par le posséder : la manière dont Macha Méril exprime le plaisir et la jouissance sexuelle est absolument fabuleuse. Le film est disponible dans une copie superbe chez l’éditeur Le chat qui fume avec en bonus une interview d’Irène Miracle dont c’était le premier film, certes anecdotique mais amusante et, surtout, une interview vraiment passionnante de plus d’une heure d’Aldo Lado qui analyse remarquablement son film et explicite comment ont été réalisées plusieurs scènes.