La Russie a toujours été un pays où le cinéma regorgeait de talent. A travers les époques et les différents mouvements politiques que cette nation a connue, des cinéastes sont sortis du lot. Des années 20 et de l'URSS, on retient essentiellement Sergei M. Eisenstein (normal me direz-vous) et Dizga Vertov. Il est pourtant très intéressant de regarder d'autres cinéastes et on constate que ces messieurs savaient y faire. Allez savoir pourquoi, Le fantôme qui ne revient pas d'Abram Room est nettement plus méconnu. C'est fort dommageable que seuls des cinéphiles s'intéressant au cinéma russe et plus ancien connaissent car une large majorité de cinéphiles devraient reconnaître l'incroyable modernité du récit, la mise en scène et le montage minutieux et très dynamique et des acteurs convaincants.
L'un des points les plus intéressants de l'oeuvre demeure sans conteste le fond. Si la propagande communiste était fortement visible chez Eisenstein, chez Abram Room, elle est renvoyée à un plan totalement secondaire, se faisant même oublier. Certes, c'est le destin d'un homme qui doit s'échapper pour prendre la tête de la grève. Mais c'est surtout une volonté de s'intéresser à l'individu. Et c'est une chose très rare à l'époque où la société est plus importante que la personne dans ce pays, à ce moment. Et puis, il y a une étonnant façon de filmer la prison chez Room. On est en permanence dans un lieu clos, ou presque, tentant de retranscrire une impression de renfermer. La scène de la révolte est l'occasion de voir un montage plus clipesque, bien en avance sur son temps et démontrant la frénésie qui règne dans les geôles. C'est incroyablement bien fait. C'est tout le contraire quand notre héros est en fuite et se retrouve dans un désert. De plus larges plans, une impression de liberté infinie. Des allures de western aussi avec des séquences qui rappellent Le bon, la brute et le truand de Sergio Leone. En effet, José Real est en permanence suivi par un policier alors que "Personne" était lui-même en train de marcher quand la brute était à cheval en train de le houspiller. Il y a aussi, je pense, une légère volonté de critiquer un système qui met en avant la société avant l'individu. Cette quête dans le désert semble parfois mener à rien. On ne verra pas non plus la grève, elle s'arrête avant. Une très forte impression que ce cinéaste n'a pas voulu se soumettre aussi facilement à la propagande des instances politiques communistes.
En fait, dans cette histoire, on frôle le chef-d'oeuvre. Il y a bien quelques passages un peu plus lent, un peu plus ennuyeux et un scénario plus ou moins prévisible dans les grandes lignes mais c'est vraiment un très bon film, qui gagnerait à être mieux connu du grand public. Si vous avez l'occasion, n'hésitez pas à vous le procurer, surtout qu'il ne coûte pas bien cher.
batman1985
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le 6 mai 2011

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