Bourdieu à Tokyo
Le Fils unique est le premier film parlant d'Ozu, et ça se sent. Il y a davantage de plans sans dialogues que dans les films ultérieurs, plans d'ailleurs toujours sublimes entre décors simples de...
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le 15 oct. 2025
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Le Fils unique est le premier film parlant d'Ozu, et ça se sent. Il y a davantage de plans sans dialogues que dans les films ultérieurs, plans d'ailleurs toujours sublimes entre décors simples de maisons modestes, manufactures et terrains vagues. Comme d'habitude chez Ozu, il s'agit d'une monographie d'une vie familiale intime, ici les relations entre une mère et son fils unique, cadre qui sera répété avec d'infinies variations. Dans notre histoire, une mère s'est sacrifiée pour permettre à son fils d'étudier à Tokyo. En lui rendant visite une fois installé dans sa vie d'adulte, elle se rend compte que l'ascension sociale de son fils ne s'est pas passée comme prévu...
Car Le Fils unique est sans doute le film le plus social, et même sociologique, d'Ozu. Si les scènes intimes et familiales sont poignantes (lorsque la mère annonce à son fils à quel point elle s'est sacrifiée pour lui), l'histoire reste celle d'une mobilité sociale bloquée, à l'image du dernier plan du film : une porte en bois, permettant de sortir de l'usine et d'aller vers les possibles, résolument fermée. Un film qui parle de Tokyo également, ville présentée ici comme nécessaire pour toute ambition, et comme dévoreuse de rêves brisés par millions. Même lorsque la mère observe et s'émerveille de la bonté de son fils, qui n'hésite pas à aider un enfant du voisinage victime d'un accident de cheval (ça ne s'invente pas), on sent que quelque chose a été rompu entre eux : l'espoir. L'intensité dramatique du film n'est pas encore celle des films d'après-guerre, où elle résonnera avec une philosophie mélancolique du temps, mais le désespoir des personnages, en particulier de la mère rentrée dans sa province et son usine, n'est qu'à peine nuancé par un optimisme vain, celui du fils décidé à reprendre ses études pour une vie meilleure.
Côté acteur, Chôko Iida (la mère), habituée des Ozu de l'époque et des premiers Kurosawa, offre ici son meilleur rôle. Et je trouve ça fantastique de voir que Chishû Ryû, si jeune au début du film et 32 ans dans la vie, peut déjà être si facilement grimé en quasi-vieillard, préfigurant les rôles qui feront de lui une légende du cinéma. Enfin, un bébé qu'on a probablement drogué au chloroforme puisqu'il ne fait que dormir durant tout le film...
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le 15 oct. 2025
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le 15 oct. 2025
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