On allait au bord de la mer

Un lot de photos de famille acheté dans une brocante est le point de départ de ce docu/fiction tout à fait inédit.

Zabou Breitman et Florian Vassault sont particulièrement attentifs à un petit garçon qui apparaît fréquemment sur les photos. On le voit grandir, devenir ado, puis adulte. Son regard doux et son sourire timide ne changent pas au fil des décennies. Les réalisateurs décident de le prénommer Jean, de partir à sa recherche et pourquoi pas, espoir ultime, le rencontrer. Les photos les plus anciennes datant des années 50, il est tout à fait probable que le garçon, devenu un vieux monsieur, soit encore en vie. Les réalisateurs vont se partager le travail. Florian mènera l'enquête tandis que Zabou imaginera la vie que cette famille aurait pu avoir et la reconstituera avec des acteurs.

Le plus déroutant est que ces photos ressemblent à celles que la plupart d'entre nous conserve dans un grenier, dans une boîte oubliée, dans des albums qui prennent la poussière. On a immédiatement l'impression de connaître ces gens. On reconnaît les poses, les vêtements, les coiffures et les évènements. Un repas de famille, des vacances en bord de mer. Autant dire que d'emblée on est captivé par l'enquête, on veut savoir. Il faut pour s'orienter, s'accrocher à un détail, une enseigne. Mais lorsqu'un restaurant s'appelle Le restaurant, l'indice est faible. Et toujours le plus surprenant, touchant et amusant est cet homme qui jamais ne regarde l'objectif mais toujours sa femme.

Interroger les habitants d'un village ou d'un quartier se révèle décevant car au départ personne ne connaît ces personnes et l'enquête piétine. Mais beaucoup sont prêts à parler d'eux, à imaginer, à inventer et c'est finalement passionnant d'entendre des inconnus, à partir d'un visage, d'un regard, d'une attitude, dresser un portrait psychologique, envisager une histoire, un destin à ces autres inconnus sur la photo.

Pendant que l'enquête progresse, les acteurs prennent la pause et rejoue les scènes qui ont précédé ou suivi le cliché. Le principe est vertigineux et passionnant. Il faut également inventer un personnage. Celui qui prend les photos et n'est jamais sur les photos. Plus tard on découvre que les dialogues des faux personnages sont mot pour mot les paroles des anonymes que Florian Vassault a récoltées.

Lorsque l'enquête se resserre, progresse c'est encore plus vertigineux. On en vient même à se demander comment ces photos si intimes se sont retrouvées dans une brocante et s'il est permis de raconter la vie d'une personne sans son accord, sans même qu'elle le sache.

Je me garderai bien de révéler toutes les découvertes, les révélations, les erreurs d'interprétation qui permettent à l'enquête de progresser. Plus on s'approche du terme, plus on s'impatiente, on se passionne pour ce jeu de piste et on s'émeut, fort.

Le pari est inédit, surprenant et très réussi d'autant plus quand l'aspect ludique cède le pas à l'émotion. Cette vie à la fois unique et ordinaire du petit blondinet sur la photo se révèle finalement bouleversante.

Dans le rôle du jeune garçon de fiction, j'ai trouvé Damien Sobieraff (inconnu) étonnant de douceur et de mélancolie.