(Vu en V.O. HFR 3D)

Bon, je ne sais pas trop par où commencer. Peut-être en rappelant à quel point je suis fan de la première trilogie de Jackson. Et en disant aussi que j'avais défendu le premier opus du « Hobbit » face aux détracteurs. Oui, ce dernier était inférieur au « Seigneur des Anneaux » mais restait un très bon divertissement, en plus d'une excellente adaptation: fidèle à la lettre tout en se permettant des ajouts qui avaient toujours Tolkien pour source, directe ou indirecte. Du coup, je soutenais totalement l'idée d'étirer « le Hobbit » en trois films. Pour moi, il y avait la matière, en se basant sur les notes de l'écrivain britannique mais aussi en détaillant certaines scènes un peu rapides du roman. Mais tous ces beaux espoirs sont bel et bien brisés.

« La désolation de Smaug » est un film au rythme bancal. Les séquences d'action s'étirent sans raison, boursouflées, dans une tentative de plus en plus grotesque de rendre épique ce qui n'est, à la base, qu'un conte à l'histoire un peu simple mais à l'ambiance délicieuse. Mais Jackson s'en fout de tout ça, il préfère de l'action frénétique, des Nains qui sautent sur des cordes et des chaines toutes les 5 minutes, un magicien qui escalade des montagnes, qui s'enfuit à toutes jambes et qui nous refait le coup du combat contre le Balrog (en moins bien), et des Elfes... putain les Elfes. Tout peut se résumer en un nom: Legolas. Oubliez celui du Seigneur des Anneaux. Quoi que les autres en disent, je l'aimais bien celui-là: une touche d'humour volontairement décalé avec des actions improbables d'autant plus fun qu'elles restaient rares (Legolas surfe sur un bouclier, Legolas tue un Oliphant...). Orlando Bloom, sans être un brillant acteur, savait donner à son personnage ce petit sourire narquois qui prévenait toujours le spectateur qu'il entrait dans une parenthèse un peu potache, un peu too much, avant de retourner dans la solennité de la tragédie. On pétait un bon coup et puis on reprenait son sérieux. C'était génial.

Le nouveau Legolas est à présent constamment dans le potache tout en affichant un visage d'une psychorigidité proche de celle d'un SS. Le mélange est proprement repoussant. Il faut le voir, armé de ces yeux d'un bleu artificiel flippant, sautiller dans tous les sens, tourner sur lui-même en tirant des flèches qui rentrent dans l'anus des mouches et se battre avec des techniques ancestrales de Kung-Fu acrobatique des Elfes de la Foret. Encore, encore, encore, vas-y ! Marche sur l'eau ! Bondis dans les airs ! Surfe sur les branches des arbres ! Tu es invincible, Legogo ! Aie, non. Pas tout à fait. Il y a une scène de colère ridicule quand une goutte de sang perle de son nez fardé à la cocaïne. Je préfère vous la laisser admirer.

Et pourtant, il y en avait des moments où la caméra aurait pu se poser. Il y a toujours des décors magnifiques. Souvent artificiels, c'est vrai, mais magnifiques. Le HFR nous engloutit une fois de plus dans un océan de détails picturaux sublimes. J'aime Esgaroth et son côté typique si réussi qu'il donne envie d'y passer ses vacances. J'aime Mirkwood et la maison de Beorn. Je ne savais plus où regarder ! Hélas, les plans s'enchainent si rapidement ! Jackson rate la plupart de ses rencontres et ne prend presque jamais le temps d'installer ses ambiances. La maison de Beorn, justement, l'un des meilleurs passages de tout le roman: bazardé en 7 minutes. Tout l'humour est évacué. Les dialogues se prennent au contraire très au sérieux, même quand il s'agit de répéter 20 fois qu'une menace se lève dans la forêt de Mirkwood... Où est passé le mélange (presque) réussi entre gravité et badinerie du premier film ? Je veux bien accepter, moi, qu'on tourne toute l'aventure à la tragédie shakespearienne (même si l'histoire originale du « Hobbit » ne peut se donner de tels moyens), mais quand on enchaine les pirouettes en image de synthèse et qu'on sert au spectateur une écriture très moyenne (même dans le roman les personnages n'avaient pas toujours grand-chose à dire, il faut bien l'avouer) il faut se demander un moment si étirer une histoire jusqu'à la nausée est vraiment une bonne idée.

Dieu merci, il y a tout de même de très beaux passages qui parviennent à sauvegarder un peu de la magie qu'on était en droit d'attendre. La forêt de Mirkwood est brillamment hallucinatoire et étouffante. Esgaroth, je l'ai déjà dit, est une ville magnifique qu'on prend un peu le temps d'explorer. Et la rencontre avec Smaug, point d'orgue de ce film, ne m'a heureusement pas déçu ! Retrouvant un peu de subtilité, Jackson propose une partie de cache-cache entre Bilbo et le dragon visuellement jouissive ! Dommage qu'ensuite, ça vire au combat-pirouette, mais le bien est déjà fait: on a une magnifique séquence à retenir, une voix qui résonne encore dans nos os et un trésor qui fera rêver tous les nostalgiques de l'oncle Picsou. Merci, merci de ne pas avoir foiré ce final !

6 est la note la plus basse que j'ai jamais accordé aux adaptations de Jackson. Dieu sait que j'aurais voulu qu'il en soit autrement. Peut-être le dernier film rattrapera-t-il tout ça. Il est vrai que j'avais moins apprécié aussi l'épisode du milieu du « Seigneur des Anneaux ». Et après tout, je me suis tout de même bien amusé à certains moments... Si seulement Jackson avait collé moins d'Orcs en synthèse dans tous les creux de son scénario. Si seulement la direction d'acteurs avait été un peu plus digne (même Thorin est décevant... je ne sauverai décidément que Bilbo, bien qu'il soit très effacé). Si seulement la musique n'était pas si transparente. Si seulement les ficelles de l'histoire n'étaient pas aussi grosses et répétitives. Si seulement...

Ma critique de la saga:

"Un Voyage Inattendu": http://www.senscritique.com/film/Le_Hobbit_Un_Voyage_inattendu/critique/10224236

"La Communauté de l'Anneau": http://www.senscritique.com/film/Le_Seigneur_des_Anneaux_La_Communaute_de_l_anneau/critique/3963024

"Les Deux Tours": http://www.senscritique.com/film/Le_Seigneur_des_Anneaux_Les_Deux_Tours/critique/3963173

"Le Retour du Roi": http://www.senscritique.com/film/Le_Seigneur_des_Anneaux_Le_Retour_du_roi/critique/4032392
Amrit
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le 24 déc. 2013

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