Très déstabilisant. Film d'anticipation que l'on pourrait considérer comme une réponse au "Solaris" de son ami. Docu-fictionnel par ailleurs, avec de très belles scènes teintées d'onirisme, en particulier celle où le jeune médecin dévalle depuis les hauteurs poussiéreuses de la ville, paraissant un géant à l'échelle des maisons blanches. Sans évoquer l'arrivée planante (cf. Andrei Roublev de Tarkovski, ou bien pourquoi pas le "Baron de Münchhausen" de Josef de von Baky !), tel un homme-canon parachuté au milieu de nul part (un décollage tête renversée lui répondra par la suite !); le surgissement de plans couleurs en pleine séquence sépia tels des aberrations rétiniennes; les multiples cadrages en très grand angle assez claustrophobes, une alternance de vues de la cité balayée la nuit par un faisceau céleste et obscurcie de jour par le voile de l'éclipse, en plan très général...Un cadavre reprenant subitement la parole pour évoquer ces limbes que la vie ne saurait franchir, cet au-delà où on ne peut s'aventurer (métaphore politique, centrale apparemment dans le film); un semblant de guerre civile absurde, tout comme cette interposition du médecin dans une bagarre qui se retourne contre lui...tout le film s'enrichie d'idées inventives contribuant à cet onirisme.
Le jeune médecin, doté d'un corps énergique, représente la force de la vie, apte à défier les contraintes de l'espace (politique encore): une pirouette inouïe (j'ai pensé à "Birdy" !), dans sa chambre sous les yeux d'un crapaud, un surgissement aérien, hallucinant, dans un wagon en mouvement. Aptitude physique et soif de création se heurtant à la réalité (comme ce plan final initié par un sourire et se poursuivant les yeux abattus puis vagues, du haut d'une colline: j'ai pensé qu'il pourrait répondre au plan initial de "Jauja" de Lisandro Alonso.
Une discussion avec un historien totalement désespéré, tandis qu'une concrétion putrescente apparait au mur, lequel conseille au personnage principal de cesser d'écrire, de ne plus rien inventé, de se borner à soigner avec l'acquis existant !!! Terrible ! Très curieuse relation avec un enfant malade, s'exprimant comme un sage vieillard ! Mes lacunes en histoire russe m'empêchent de saisir ce qui semble être évoqué au sujet des Tatars.
La bande-son est très travaillée également: par moment concerto lyrique parasité par une musique traditionnelle discordante.
Un film pas facile, riche, que je n'ai pu découvrir qu'avec des sous-titres exécrables et très frustrants (YouTube). A voir sur grand écran dès que possible.