Je ne suis pas très familier avec Buñuel, c'est sûrement pourquoi j'ai autant d'a priori sur le bonhomme. En effet, je m'imaginais un film imbuvable, plus expérimental et conceptuel que narratif. Heureusement que l'erreur ne se traduit pas par un hémorroïde en plus, sinon je ne pourrais plus m'asseoir depuis longtemps !


Ce que j'ai vraiment apprécié dans ce film, ce sont les personnages. Ils sont tous bien écrits, simplifiés de manière à être cinématographiés, à être utilisés pour une intrigue. Chacun est assez bien exploité. Ce qui m'a gêné un peu, par contre, c'est l'incapacité de Buñuel à coudre une intrigue qui tienne tout ce petit monde en place. Le fait que chaque personnage ait ses envies, ses propres objectifs, ça permet d'ouvrir la porte à des conflits ou tout au moins des confrontations intéressantes, mais comme je viens de le dire, quand il s'agit de tout relier, ça fait un peu mal.


Déjà, le récit ne débute réellement qu'après 50 minutes où l'on présente les personnages. La transition se passe en douceur, sans désagrément, mais le problème c'est que ça ne laissera que peu de temps aux personnages d'agir. Déjà, on se rend compte que le père ne sert pas à grand chose. Ensuite, toute l'enquête menée manque de souffle, d'approfondissement, elle paraît traitée trop superficiellement. Certains actes sont ellipsés alors que cela aurait ajouté plus de peps à la narration de le voir. D'autres événements sont montrés mais trop furtivement. Le changement de comportement du voisin paraît un peu soudain (sans pour autant être incohérent, je précise) ; sans doute est-ce là pour amener une fin. Ce ne sont pas les décisions, les actes, les faits qui me dérangent, c'est la manière dont ils sont amenés. Par exemple, le spectateur sait qui est le tueur, mais la femme de chambre ne peut pas le savoir en étant sûre d'elle. L'hypocrisie dénoncée apparaît alors comme moins forte que ce que ça aurait dû/pu être. Autre bon point, une petite dose d'humour qui permet de mieux faire passer la gravité du propos (mine de rien, sous ses airs de petits drames de Province, il se passe pas mal de choses assez glauques).


Niveau mise en scène, c'est un très beau film. Je m'attendais au moins à avoir une image moins travaillée, plus libre, avec pas mal de choses surréalistes. En fait pas du tout, ce sont de très belles compositions que le réalisateur nous offre. Avec une très belle utilisation de son format large. Le découpage est très pertinent, la manière dont certaines choses sont montrées, d'autres pas. Et puis quels acteurs. Déjà, ils y sont pour beaucoup si le film n'est pas misérabiliste et si l'humour écrit passe si bien. Eux-même ont un jeu plus proche de la comédie que du drame. Tous les acteurs sont vraiment incroyables, d'une justesse épatante. Et puis il y a Jeanne. Mon Dieu, qu'elle est belle la Jeanne. Un régal !


Bref, un film franchement sympathique mais dont les maladresses narratives ont quelque peu sali mon plaisir. Cela reste un film très agréable malgré tout.


Bonus : http://image.noelshack.com/fichiers/2016/19/1463339614-le-journal-d-une-femme-de-chambre.jpg

Fatpooper
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le 7 avr. 2015

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