La toile de fond du film c'est la victoire des Yankees sur les sudistes et la naissance des Etats-Unis. Mais ce n'est pas ce qui intéresse directement Fuller. Comme souvent il met en scène la guerre comme situation engendrant une perte de repères chez le soldat ou l'homme.
La question, à se poser du point de vue d'un américain est : qui est-on ? Qui sommes nous devenu ? Quelle est notre place ?
Cette question se posait très clairement dans Verboten !, suite à la fin du régime nazi, un américain ne désirait plus rentrer au pays pour préférer vivre avec une allemande.
Elle se posait également dans le superbe Crimson Kimono chez ce policier d'origine japonaise en perte de repères.
C'est également le cas ici. Suite à la fin de la guerre un sudiste décide de partir vers l'ouest, en territoire Sioux car non désireux de vivre sous l'emprise Yankee. C'est un personnage typiquement Fullerien, à savoir un inadapté. Enfin typique de sa deuxième catégorie de personnages, ceux qui partent, s'éloignent et se perdent (ceux filmés en plans larges). Les autres étant ceux ancrés dans un milieu, ceux qui s'enferment et s'enfoncent (ceux filmés en gros plans comme j'en parlais l'autre fois).
Qui est cet américain ? Le sudiste chrétien qu'il a été jusqu'à présent mais dont la défaite des siens lui donne à penser qu'il ne sera plus ? L'homme nouveau et libre qu'il aspire à être, un homme ancré dans un territoire, un Sioux, soit un vrai américain ? ou l'homme qu'il deviendra, avec la naissance des USA ? Tout renvoi à la question qu'est-ce qu'un américain. Avec en transparence le complexe d'une absence d'histoire et le désir de s'en créer une.
Je repense sans cesse à cette scène dans The Steel Helmet. Les soldats américains dans le temple bouddhiste siffle l'air de « ce n'est qu'un au revoir » avant que l'enfant sud-coréen commence à entonner sur cet air son hymne national. Cette séquence forte sur le mélange des peuples, des convictions, des traditions, symbolise assez bien une bonne partie de son cinéma. Un cinéma passionnant et d'une grande cohérence.
Teklow13
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le 13 juin 2012

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