Je n'aime pas les contes de fée tels qu'ils sont adaptés au cinéma. En gros, il faut choisir entre un Burton qui s'est depuis longtemps changé en ce qu'il détestait le plus (le commercial Disney) et un Gilliam qui au moins capture bien la cruauté originelle de ces histoires, mais dont l'histoire de la production des films prend parfois le pas sur leur contenu réel.
"Le labyrinthe de Pan" lorgne plutôt de ce côté là, avec un postulat original et accrocheur : à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, on suit une petite fille espagnole qui a perdu son père, un républicain, et dont la mère se remarie avec un capitaine franquiste, dont elle attend un bébé. Elles vont s'installer dans un moulin surveillé par les franquistes pour tendre un piège aux maquisards républicains. Mais la petite fille, qui aime les contes, rencontre un faune, qui lui dit qu'elle doit retrouver trois clés d'or avant la pleine lune, en se servant d'un livre magique, pour revenir dans le royaume des rêves dans lequel elle est une princesse. Elle s'aventure dans un labyrinthe de pierre proche du moulin, rencontre un crapeau sous terre, puis un ogre sans yeux. A la fin, quasiment tout le monde meurt, y compris l'héroïne, qui fait tomber des gouttes de sang sur le portail magique qui permet à l'arbre de retrouver la vie.
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J'ai bien aimé l'idée du contexte historique franquiste. Je suis bien moins émoustillé par le fantastique, car ici il n'y a aucune ambiguïté : on ne se demande jamais si tout est dans la tête de la fille, il est clair que la magie existe, et qu'elle a des règles aussi définies que celles d'un jeu vidéo (trouve les clés, récupère un objet avant que le sablier ne se termine, etc...). Alors oui, l'étalonnage des couleurs est sublime de bout en bout, avec ces tons verts-bleus chatoyants dans les passages oniriques, ou les couleurs chaudes des franquistes, et ces beaux paysages de forêt de pin éclairés d'une lumière automnale.
Mais je ne sais trop quoi penser de cette esthétique en ce qui concerne la violence. On a d'un côté, du merveilleux je ne dirai pas enfantin (la scène où le crapeau dégorge est assez répugnante), mais indéniablement placé du côté de l'entertainment où les effets pallient le manque d'imagination, et de l'autre, des scènes de violence courtes mais traumatisantes (lorsque le capitaine démolit la figure d'un paysan), qui interdisent ce film aux enfants. Ou encore l'ogre-amiral Akhbar, qui enfile ses yeux sur ses mains...Le film m'a donc l'air à destination des trentenaires fans de Gilliam, mais ça m'énerve un peu de me sentir ciblé, comme ça. Je n'avais pas aimé "Les frères Grimm", peu de chance que j'aime aussi ce truc.
En fait la violence qui émane du capitaine Vidal a quelque chose de complaisant. Comme lorsqu'il cabotine en montrant à un détenu les outils avec lesquels il va le torturer... Idem, quand Mercedes le poignarde et lui colle le couteau dans la bouche, avant de lui déchirer la joue, le film fait qu'on est content qu'elle fasse mal au fils de p... Et ça, c'est assez infantile. Surtout quand le film en rajoute une couche avec le capitaine qui se recoud la joue... C'est une erreur courante et grossière dans le cinéma d'aujourd'hui : on croit dénoncer la guerre mais on fait passer un certain goût pour la violence, la loi du talion. Pourtant la fin, avec le sacrifice, pourrait sembler dire le contraire, mais elle arrive trop tard, et la gamine a trop l'air d'une martyre pour que tout cela soit bien honnête.
Je suis donc déçu que de nos jours, les films portant sur des contes de fée se sentent obligés de faire dans la débauche d'effets stylés. Car tout conte repose sur des archétypes, mais utiliser une débauche d'effet donne l'impression que l'on veut faire oublier l'archétype, alors qu'il est toujours là, et apparaît d'autant plus lourdement et grossièrement. En fait la meilleure manière d'adapter un conte, c'est l'épure et la simplicité, comme le faisait le film d'animation "princes et princesses".