Tout dans ‘The Wolf of Wall Street’ est dans l’excès. Avant même de parler du film en soi, la reconnaissance du réalisateur traverse les décennies, le talent de l’acteur principal fait l’unanimité, les courbes de l’actrice principale ne laisseront personne indifférent, l’œuvre s’étend sur 3h, et elle détient le record du nombre de fois où le mot « fuck » est prononcé. Il n’est donc pas étonnant que ‘The Wolf of Wall Street’ surenchérie dans la démesure.

La première chose qui choque, c’est que Martin Scorsese ose tout. On aura rarement vu autant de corps dénudés, de sexualité, de drogues, de discussions obscènes dans un film adressé au grand public. Le fossé avec notre vie quotidienne est flagrant, et certaines situations sont délirantes : quand Jordan et son père discutent des prostitués actuelles, ou lorsque les dirigeants de Stratton Oakmont organisent le lancé de nains. Quelques scènes sont de mauvais goûts (la prise étonnante de cocaïne en introduction), mais les plus osées sont inoubliables (Donnie défoncé se masturbant en découvrant Naomi).

C’est même ébahi qu’on assiste à la réussite fulgurante de Jordan Belfort, le personnage se faisant très vite sympathique auprès des spectateurs. En effet, après avoir admiré la demeure de Jordan et assisté aux sexapades de sa compagnie, comment ne pas rêver nous aussi d’une vie rythmée par les plaisirs ? Du coup, la critique du capitalisme n’est pas si virulente qu’on aurait pu le croire, même si la fin de l’œuvre énonce enfin la folie de l’homme.

En fait, le film ne semble pas vraiment avoir d’objectif. La critique du personnage de Jordan ne prend pas vraiment, d’autant plus que son discours d’adieu le rend presque bienveillant. Construit sur le même modèle, ‘The Goodfellas’ était à l’époque plus cohérent, au sens où il s’agissait d’une véritable fresque à la conclusion terrible. De ce fait, on se demande pourquoi le film s’étend autant sur les excès des courtiers. Le risque étant qu’on ne retienne de ‘The Wolf of Wall Street’ que les passages comiques. Et ce n’est peut-être pas si mal, puisque le film finit par ressembler à un véritable plaisir coupable.

Parce que l’œuvre a énormément d’aspects réjouissants. Au-delà de la débauche de luxure, au-delà de la phénoménale Margot Robbie, au-delà de la présence amusante de Jean Dujardin, il y Leonardo DiCaprio. L’acteur ne joue probablement pas le rôle de sa vie, (il s’en approchait davantage dans ‘The Great Gatsby’ et ‘Django Unchained’) mais il s’éclate. Il rend les rencontres de Jordan avec Naomi puis l’inspecteur du FBI tout simplement jubilatoires. Mais un passage monumental marquera inévitablement tous les esprits : sa transformation en larve sous les effets de la drogue. Tordant et formidablement bien joué, le passage est imparable. C’est d’ailleurs un comble que le sommet de l’art de Leonardo DiCaprio s’exprime alors qu’il rampe misérablement. A ses côtés, Jonah Hill est lui aussi excellent.

Enfin, ‘The Wolf of Wall Street’ propose également une prise de risque de taille. Martin Scorsese s’essaie en effet à un montage tout à fait nouveau pour lui, dans la mesure où le personnage principal s’adresse directement au spectateur, le récit n’est pas linéaire et des photos ponctuent même les discours de la voix-off. Le résultat nuit légèrement au prestige de l’œuvre, mais le réalisateur réussit parfois son coup : lorsque Jordan Belfort vante les qualités d’une société miteuse au téléphone, ou que le tournage d’un spot publicitaire est interrompu par l’arrivée du FBI. Par ailleurs, le montage enchaîne les évènements au même rythme que la vie du personnage principal. Dans le même esprit, le film enchaîne les morceaux sympathiques de la bande-originale. Ainsi, le rythme du récit, en plus des nombreux passages comiques, fait que l’on ne voit pas passer les 3h du métrage.

Sans être une réussite incontestable, ‘The Wolf of Wall Street’ est franchement réjouissant.
Kroakkroqgar

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