Le postulat du film est de proposer une version nihiliste, pro-banques, pro-système, pro-avidité et pro-débauche humaine du film Wall Street (1987) d'Oliver Stone qui était "pro-valeurs humaines de l'ancien monde". Scorsese et son scénariste ont donc pris Wall Street, et ont rajouté du sexe, des drogues et de la débauche, ce qui ravira les fans du genre "Exploitation". Ils bénéficient aussi d'un énorme budget, de plein de vedettes, et de 3 heures de projection pour raconter leur histoire. Mais leur scenario est denué tout interet narratif, et leur produit fini est vide de toute substance. Détails ci-dessous.
DiCaprio remplace Charlie Sheen, et il est certainement un lead plus charismatique. Mais cet apport positif est complètement annulé car en contrepartie plus de Michael Douglas! Non seulement plus de Michael Douglas, mais plus de méchant inoubliable comme l'était le personnage de Gordon Gekko. Et d'ailleurs plus de personnage intéressant tout court. En fait, plus RIEN du tout: Fini les décors et bureaux splendides au sommet, finies les vues spectaculaires de NYC. Fini les dialogues fascinants, les monologues inoubliables sur l'Amérique, les phrases choc comme "Greed is Good". Fini les finesses du scénario, fini les dilemmes moraux des personnages. Fini l'esthétique incroyable créée par Oliver Stone, et sa façon de filmer la ville de New York comme si elle faisait partie du scénario. Le film repose entièrement sur des scènes de débauche, de sexe ou de drogue, et sur l'apparition de vedettes dans des petits rôles mal fagotés. C'est le néant de Scorsese et son équipe.
Le scénario de Wall Street était précis, les pivots narratifs s'enchainaient avec intelligence, les intrigues secondaires nourrissaient parfaitement la trame principale. La caractérisation des personnages était superbement recherchée, leurs dilemmes et leurs arcs transformationnels toujours engageants. Le scénario de Wolf of Wall Street est d'une vacuité totale, des personnages unidimensionnels, une narration en voix off sans intérêt, pas de dilemmes intérieurs, pas d'arc transformationnel, pas de postulat sur l'Amérique et le capitalisme. Just a Hustler Story nihiliste absolument dénuée de toute personnalité.
Les dialogues de Wall Street sont jusqu'à aujourd'hui repris et cités pour leur brillance et leurs messages. Les dialogues de Wolf of Wall Street consistent en des gros mots et des onomatopées imbéciles tous les deux mots. Aucun personage n'a jamais rien a dire que "fuck" ou "shit" ou "oh my god" ou "yeaah".
La mise en scène, la cinématographie, la photographie, l'éclairage et les cadrages de Wall Street étaient incroyablement recherchés. Wolf of Wall Street se contente de "spray and cut", c'est-à-dire filmer sous différents angles et laisser au monteur la tache de la réalisation en utilisant les artifices de montage de Scorsese qui sont désormais bien connus.
Pour conclure, il reste encore certaines personnes allergiques aux valeurs ouvertement sataniques promulguées par Hollywood aujourd'hui. Ces persones la regreterons de voir que les banques elles-mêmes donnent 90 millions de dollars à ce studio pour faire l'apologie de valeurs anti-humaines. Mais si vous etes vous memes deja satanisés, ou si vous appréciez simplement un "Guilty Pleasure", vous trouverez Wolf of Wall Street plutôt délassant comparé à la production actuelle. Mais Scorcese est lessivé depuis très longtemps, et son film, meme s'il est un peu moins pire que les autres qu'ils fit recemment, ne tient pas du tout la comparaison d'avec Wall Street, son prédécesseur de 1987 qui le bat à plates coutures sur absolument tous les points en ce qui concerne le pur artisanat du storytelling cinématographique.