Takumi et sa fille Hana vivent dans un village non loin de Tokyo.

En harmonie avec la nature, Takumi exerce la fonction d'homme à tout faire pour tous ses voisins. Il coupe du bois, amène l'eau dans des jerrycans depuis la source qui coule non loin, trouve du wasabi sauvage pour le restaurateur local et lorsqu'Hana, huit ans, rentre de l'école il l'emmène dans la forêt, lui apprend le nom des arbres et des essences. L'argent n'est vraiment pas le mobile de ses activités. Un jour débarquent au village un homme et une femme chargés de présenter un projet de glamping (mot valise, contraction de glamour et de camping) sur les terrains du village. Ces deux citadins et encore moins leur patron n'ont conscience que ce projet destiné à permettre aux habitants des villes de se rapprocher de la nature, risque de compromettre l'équilibre écologique de l'endroit traversé par des familles entières de cerfs. Sans parler de la fosse septique et le déversement des eaux usées qui pollueraient la source d'eau pure. Lors de la réunion organisée par les deux employés de la firme à l'initiative du projet, les villageois expriment ce que cette implantation aurait comme bouleversements sur leur façon de vivre.

Bercés par la musique hypnotique de Heiko Ishibashi on prend le temps d'admirer des images d'une grand pureté, de vagabonder dans une promenade contemplative et écologique qui surprend chez ce réalisateur plutôt citadin jusqu'ici (Drive my car, Contes du hasard et autres fantaisies, Asako I et II, Senses). Mais aussi de sourire d'abord lorsque l'homme des bois apprend à l'homme des villes à couper du bois et peut-être de s'émouvoir lorsque que ce dernier a une révélation : "je ne me suis jamais senti aussi bien depuis des années". Il serait prêt brusquement à tout quitter pour venir s'installer dans ce coin idyllique. Et l'on savoure le silence au milieu de cette nature admirable parfois rompu par le coup de feu d'un chasseur...

En opposition à cette tranquillité, la longue séquence de réunion, quasi documentaire, où les deux représentants de la firme chargée de détruire l'harmonie des lieux expose le planning des travaux, est jubilatoire quoique très tendue. Les bonnes manières légendaires nippones font que tout se passe relativement en bonne intelligence, chacun prenant le micro à son tour pour exposer aux deux rats des villes qui ne connaissent pas très bien leur sujet et absolument rien à la campagne, les arguments imparables contre l'installation de ce glamping. La scène suivante de visio-conférence démontre à quel point le projet est initié par des cols blancs qui n'ont jamais eu de terre sous les ongles mais aussi le gouffre infranchissable entre la ville hyper connectée et la campagne où tout semble ralenti.

ATTENTION JE DIVULGACHE PEUT-ÊTRE.

Et puis survient cette fin qui empêche la quatrième étoile de briller au firmament de cette note. La fin du film, sa violence, absolument incompréhensible et dramatique, laisse le spectateur complètement abasourdi et sans la moindre explication. Tout était jusqu'alors si doux, si intelligent. Les explications des uns et des autres étaient tellement solides, argumentées, chacun s'écoutant avec intérêt et empathie. Cette fin ne "colle" pas avec le reste. Sagit-il de nous faire comprendre que les êtres les plus doux, la nature la plus admirable portent en eux une violence qui finit toujours par s'exprimer ? Je n'ai pas compris cette noirceur brutale. C'est alors d'un pessimisme insondable. Il paraît que la plupart des spectateurs se ruent sur internet pour essayer de trouver l'explication. Quelle qu'elle soit, en ce qui me concerne, je trouve cette fin ratée et impardonnable. Un peu comme une fin sans fin.

P.S. : je trouve l'affiche sublime.

Créée

le 17 avr. 2024

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