La hache et le flux cosmique de la nature

Vaines longueurs, soi-disant contemplatives et/ou significatives, soi-disant fruit d’une recherche esthétique à considérer, alors que, pour ne citer que cette scène (si l’on peut l’appeler « scène »), regarder les cimes des arbres pendant 10 minutes relève à mon sens plus du foutage de gueule que d’une inspiration géniale rendue possible grâce à la non-moins magnifique (iron.) musique de sa compositrice, Eiko Ishibashi* ; scénario plutôt ballot où se mêlent maladroitement, avec une perspective bobo pseudo-naturaliste assez factice, comme la pseudo-intelligentsia assez superficielle de Drive my car, une bancale opposition nature / culture et citadins / ruraux avec comme comble du stéréotype, impardonnable, ce bûcheron à chemise à carreaux qui casse du bois devant le citadin ébahi voulant toucher sa hache et sentir dans ses mains le flux cosmique de la nature (la scène de la réunion, rappelant clairement R.M.N. de C. Mungiu, mais de facture clairement inférieure, remettant temporairement la parole au centre du film, vaut, elle, tout de même la peine) ; le fait d’aller puiser de l’eau à la rivière étant un autre imbuvable et totalement improbable cliché; manque criard d’enjeux narratifs, si ce n’est ce danger latent, dont la fin est annoncé dès le début, et qui n’en finit jamais de menacer ; invraisemblable situation que constitue la liberté de cette gamine qui a le droit de quitter l’école toute seule pour rentrer chez elle ; manque de cohésion dans l’ensemble, le film empruntant des chemins divers sans vraiment qu’ils ne se rejoignent.

Certains sots comparent ce piètre Le mal n’existe pas à Muholland Drive, simplement en raison du mystère de la scène finale, et soudain l’envie me prend de saisir une hache et de me venger de ce sacrilège (mais finalement un simple étranglement pourrait suffire à satisfaire ma sourde rage). R. Hamagushi a cependant très certainement été marqué par R.M.N. de Mungiu mais aussi Le serment de Pamfir, probablement vus avant ou pendant l’écriture du film.

* À supposer que le cinéaste ait voulu, dans cette scène d’exposition, traduire par l’image une recherche de verticalité, s’opposant à la scène finale où la plaine embrumée et le corps de la fille sont condamnés à l’horizontalité, ce qui semble plutôt contradictoire d’ailleurs, et bien à supposer cela, fallait-il vraiment être si long, au risque de paraître vouloir faire du remplissage pseudo-artistique genre vidéo expérimentale bien niaise à laquelle on peut magiquement attribuer une interprétation révélatrice de sens alors qu’il ne s’agit que d’une grande fantaisie, pour ne pas dire entourloupe ?

Marlon_B
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le 30 avr. 2024

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Marlon_B

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