C'est, par un bel après-midi d'été, un premier rendez-vous, dans un grand parc verdoyant entre deux jeunes gens (de 16-18 ans) ; un rendez-vous de pré-amoureux. Ils se promènent dans ce grand parc tout l'après-midi, font peu à peu plus ample connaissance, se rapprochent l'un de l'autre et finissent par s'embrasser et se caresser, plus ou moins à l'abri des regards des autres promeneurs (c'est un très grand parc qui alterne bosquets voire petite forêt et prairies ; ça ressemblerait un peu au bois de Vincennes, mais en moins et mieux fréquenté). Ils sont couchés dans l'herbe. Elle insiste pour prendre un selfie mais lui ne veut pas et se cache le visage. Vers la fin de l'après-midi, le garçon propose de rentrer. Elle voudrait qu'ils restent encore. Lui ne veut pas, il s'en va. Elle reste seule, assise dans l'herbe, au fond dépitée qu'il n'est pas plus envie que ça d'elle. Fin de la 1ère partie. Elle remarque qu'il a oublié son paquet de cigarettes et le lui signale par SMS. Commence la 2ème partie, laquelle est centrée sur un échange de SMS entre elle (toujours assise dans l'herbe de la prairie, en lisière du bois) et son plus ou moins amoureux de tout à l'heure, probablement rentré chez lui, en tout cas devenu invisible. Cet échange dure une petite dizaine de minutes et fait contraste avec la longue promenade précédente où la communication entre le jeune couple se faisait beaucoup plus par les regards et les gestes. Cela éclaire leur promenade et cheminement amoureux d'une façon inattendue (pour la jeune fille et le spectateur), crue, presque cruelle. L'échange "mailé" remet les choses en place, met les points sur les i. On est dans l'opposition (lui regrettant presque ce qu'il a fait et elle qu'ils n'en aient pas fait assez). La romance, à peine commencée, semble déjà finie. La jeune fille clôt l'échange en disant à son "connard" (elle emploie le terme) d'amoureux de l'après-midi qu'elle aimerait revenir en arrière et ne l'avoir jamais rencontré. La nuit tombe sur le parc et la 3ème partie commence. En marchant à reculons (comme pour effacer ce début d'aventure raté), la jeune fille retrace le chemin qu'ils ont parcouru dans l'après-midi... sauf qu'elle se perd en route. Et son histoire dérape vers l'étrange, l'inquiétant, voire le merveilleux. Entre en scène le personnage du gardien du parc...
Ce long métrage est en fait assez court (72 minutes), mais le rythme du film s'accélérant et s'intensifiant au fil des minutes, on perd la notion du temps. On est tout entier dans le parc, aux côtés de cette jeune fille frustrée, en colère (?) et qui semble avoir perdu la tête. Tout entier baignés, entourés par les bruits, les ombres du parc. Ce sont les bruits et la lumière naturels. Aucune musique d'accompagnement (le silence seulement troublé par le bruit des pas, le craquement des brindilles, le chuchotis de la brise dans les feuilles des arbres), sauf au moment du générique final. Très peu de dialogues (vers la fin, on est d'ailleurs plutôt dans le monologue). Les messages passent souvent par des mimiques, des regards, des sourires ou rictus. On passe aussi souvent de plan fixe à plan fixe. Avec des cadrages très étudiés. Pas d'effets spéciaux. Un éclairage naturel, même durant les scènes nocturnes, en tout cas c'est l'effet que ça fait (il faut dire que c'est la pleine lune). Les images sont souvent très belles (décidément Antonioni m'obsède : l'atmosphère du film m'a une fois encore évoqué son Blow Up). Dans la dernière demi-heure, une espèce de suspense se crée : on ne sait plus ce qui va se passer, comment tout cela va finir. Une très jeune fille, perdue seule la nuit dans un grand parc solitaire et confrontée au gardien de celui-ci... Est-on dans la réalité la plus noire (genre l'épisode final des Bonnes femmes de Chabrol) ? Dans le merveilleux ? Est-ce purement onirique ? Rêve-t-elle ?
Et puis vient le bref épilogue. Après la magie du cinéma et de l'obscurité, retour à la clarté du jour et à la vie réelle...
Franchement, j'ai aimé. C'est un film d'une grande simplicité, d'une grande pureté. De quoi sont faits les rapports amoureux ? Est-ce qu'on les vit ? Est-ce qu'on les rêve ? À quoi tient qu'ils réussissent ou avortent ? C'est un peu de cela que traite le film, en plus bien sûr de la vie de ce grand et beau parc mystérieux, insituable et qui invite au merveilleux.

Fleming
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le 22 janv. 2017

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