Mia Hansen-Løve ne cesse de démontrer son talent de narratrice, de raconteuse d’histoires. Dans les récents Un beau matin, Bergman Island ou Maya, elle nous emporte dans un élan de vitalité imparable vers une aventure ou un projet personnel, en explorant la famille, le couple, le cinéma parfois ou une passion. Ici, avec Le père de mes enfants, elle signe un hommage au producteur de cinéma Humbert Balsan (le premier à avoir cru en elle) et aborde les thèmes de la famille et du travail, inextricablement imbriqués, puis du deuil, de la survivance et de la transmission.

Des filles qui jouent avec naturel, une circulation monstre à Paris, une cigarette vite grillée, un téléphone qui ne cesse de sonner, des contrats à signer, des voyages à organiser, des Coréens en visite en France et qu’il faut loger, l’épouse qu’on embrasse en hâte, un week-end à la campagne, le portable collé à l’oreille : tel est le quotidien haletant de Grégoire, constamment débordé par son travail, demeurant autant qu’il le peut à l’écoute de sa famille. Une amende pour excès de vitesse et la fin de ses points viennent lui rappeler la limite qu’il avait omis, pris dans le maelstrom où il s’était lui-même engouffré, et la fin d’une liberté. S’en suivent les dettes insurmontables et le surgissement du tragique, c’est-à-dire de l’inexorable – dit simplement du problème sans issue.

Mia Hansen-Løve souffre selon moi d’un défaut majeur, récurrent dans son œuvre : son incapacité à exprimer et à transmettre des émotions, si bien qu’elle demeure à la superficie des choses. Ici, tant la tentation du tragique chez Grégoire que l’affliction de sa famille ne sont pas du tout explorés - au contraire, aucun signe avant-coureur chez le premier, quelques larmes vite essuyées chez la seconde. On dit qu’il s’agit de retenue ou d’évitement du pathos : je parlerais plutôt de maladresse, de froideur émotionnelle symptomatique, de rationalisation du sentir.

6,5/10


Marlon_B
6
Écrit par

Créée

le 20 mars 2024

Critique lue 3 fois

Marlon_B

Écrit par

Critique lue 3 fois

D'autres avis sur Le Père de mes enfants

Le Père de mes enfants
Sergent_Pepper
7

Ceux qui restent

La réussite du film tient dans sa première partie. Incroyable de spontanéité et de fraicheur, elle nous plonge dans le quotidien familial. La relation entre le père et ses trois filles est...

le 3 déc. 2013

13 j'aime

3

Le Père de mes enfants
PatrickBraganti
4

Critique de Le Père de mes enfants par Patrick Braganti

C'’est peut-être parce que Humbert Balsan avait décidé de produire Tout est pardonné que la réalisatrice Mia Hansen-Lǿve s'’inspire pour Le Père de mes enfants du destin brisé d'’un homme (qu’'elle...

le 16 nov. 2012

8 j'aime

5

Le Père de mes enfants
eloch
8

De la chute d'un héros.

" Le père de mes enfants", c'est d'abord l'histoire d'un homme à fond dans la vie, que toute la première partie du film montre détaché, à l'aise, grandiose, passionné, amoureux. Il est aimé partout,...

le 9 mai 2013

8 j'aime

Du même critique

Call Me by Your Name
Marlon_B
5

Statue grecque bipède

Reconnaissons d'abord le mérite de Luca Guadagnino qui réussit à créer une ambiance - ce qui n'est pas aussi aisé qu'il ne le paraît - faite de nonchalance estivale, de moiteur sensuelle des corps et...

le 17 janv. 2018

30 j'aime

1

Lady Bird
Marlon_B
5

Girly, cheesy mais indie

Comédie romantique de ciné indé, au ton décalé, assez girly, un peu cheesy, pour grands enfants plutôt que pour adultes, bien américaine, séduisante grâce à ses acteurs (Saoirse Ronan est très...

le 17 janv. 2018

26 j'aime

2

Vitalina Varela
Marlon_B
4

Expérimental

Pedro Costa soulève l'éternel débat artistique opposant les précurseurs de la forme pure, esthètes radicaux comme purent l'être à titre d'exemple Mallarmé en poésie, Mondrian en peinture, Schönberg...

le 25 mars 2020

11 j'aime

11