Se laisser porter par le vif courant du fleuve de la vie

En papillonnant autour de deux récits, celui du déclin du père qui se meurt puis celui de la rencontre amoureuse, Mia Hansen-Love équilibre l’opposition amour et mort, nuance les couleurs émotionnelles et apporte une vivacité à la narration, rendant le film plaisant et fluide et évitant les lourdeurs.

En effet, à rebours de L’avenir, la cinéaste, bien que proche du monde des livres et de Rohmer, élude trop de pédantisme ou de mimétisme, sans pour autant sacrifier les références culturelles. À l’image des précédents Bergman Island ou Maya, elle privilégie une certaine simplicité narrative, en présentant les événements sans y apporter de profonde réflexion, les faits se suffisant à eux-mêmes pour exprimer ce que la cinéaste prétend exprimer – c’est-à-dire des sentiments amoureux, filiaux ou (extra-)conjugaux, où se mêlent tristesse, peur de la perte et bonheur d’aimer et d’être aimé(e). Car même si les personnages sont des lettrés, des scientifiques ou des consommateurs de culture, la dimension intellectuelle demeure tapie en toile de fond – simple décor, pour ainsi dire – si bien que Mia Hansen-Love ne cherche qu’à effleurer la réflexion au profit d’un papillonage sentimental et narratif, reléguant par ailleurs les aspérités du quotidien (travail, recherche de Ehpad, …) à de brefs détails secondaires. Le jeu de Léa Seydoux la dessert considérablement : son regard franc, ses larmes soudaines, son corps sensuel touchent le spectateur. Pascal Greggory, dont le rôle est hélas réduit à trop peu, n’en est pas moins émouvant avec son regard vague, son errance spatiale, sa détresse mentale, le verbe tremblant.

Avec un regard résolument tourné vers l’espoir, s’éloignant du drame qui guette, Mia Hansen-Love choisit la légèreté et incite le spectateur à se laisser porter par le vif courant du fleuve de la vie.


Marlon_B
7
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le 1 mars 2023

Critique lue 10 fois

Marlon_B

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