Le Petit Prince
6.8
Le Petit Prince

Long-métrage d'animation de Mark Osborne (2015)

Alors que les studios d’animation hollywoodiens (Pixar, DreamWorks Animation et Blue Sky Studios) se livrent une bataille sans merci depuis quelques années, le réalisateur Mark Osborne (Kung Fu Panda) a préféré laisser ces grandes firmes se tailler la part du lion pour se tourner vers la France (la société Onyx Films). Plus précisément vers l’une de nos œuvres littéraires les plus intemporelles : Le Petit Prince de l’aviateur Antoine de Saint-Exupéry. Un pari rudement risqué, étant donné que le conte a déjà été adapté maintes et maintes fois sous divers formats. Pari réussi ?


Première chose qui en étonnera plus d’un (surtout ceux qui n’auront pas vu les bandes-annonces) et qui s’avère être la meilleure idée de cette adaptation : Le Petit Prince version 2015 n’est pas un banal copié-collé du livre. Au contraire, celui-ci sert de prétexte à une toute autre histoire, celle d’une petite fille qui, vivant dans un environnement où les enfants doivent se conditionner tels des psycho-maniaques afin de passer à l’âge adulte (travailler sans relâche, ne pas s’amuser, vivre isolé des autres dans un endroit gris et glacial…), va retrouver son enfance au contact d’un aviateur excentrique. Pourquoi intituler ce long-métrage Le Petit Prince, dans ce cas-là ? Parce que les deux récits, qui s’entremêlent pendant 1h50, racontent la même chose. Qu’ils narrent exactement la même histoire, à leur manière.


D’un côté nous avons l’œuvre de Saint-Exupéry, mise en image avec une animation en stop-motion de très grande qualité. Qui rend hommage à l’auteur via un côté papier mâché fort séduisant, parvenant à restituer l’aspect fabuleux, poétique et allégorique de cette aventure. Les fans absolus y retrouveront avec délice les célèbres passages et personnages. Se délecteront d’entendre de vive voix des paroles qui ont fait le charme du conte (« Dessine-moi un mouton » ou encore « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux »). De l’autre les vacances d’été de la jeune fille, qui représente notre société actuelle de manière assez sceptique et qui reprend sans fausse note ni dénaturation l’histoire et les thématiques de Saint-Exupéry. Si l’animation numérique ne s’avère pas aussi aboutie que celle des récents Vice-Versa et Les Minions, l’ambiance enchanteresse répond bien présente, notamment grâce à la BO (les compositions d’Hans Zimmer, les chansons de Camille Dalmay), les couleurs et les effets de mise en scène (le ralenti sur le papillon, par exemples). Dans les deux cas, nous avons affaire à deux trames parallèles (le conte servant à appuyer les propos de l’intrigue principale) qui vont se rejoindre sur la fin de manière astucieuse et un chouïa spectaculaire visuellement parlant. Au point de faire croire que l’aviateur du long-métrage pourrait bien être Saint-Exupéry lui-même (qui sait ?). Vous l’aurez compris, Le Petit Prince n’est pas une simple adaptation. Il s’agit d’un travail d’écriture inattendue et poussée qui reprend l’essence principale du conte : prévenir les jeunes de ne pas perdre leur âme d’enfance en grandissant. Que même si les adultes font des choses étranges dans la vie, ils ont un jour été des enfants, mais que certains l’ont oublié en prenant de l’âge.


Mais il faut bien avouer que cette prouesse d’écriture s’avère être, dans un autre sens, un petit défaut, surtout en ce qui concerne le jeune public. En effet, avec autant de métaphores, allégories et autres figures de style en poche, Le Petit Prince de Mark Osborne fera perdre le fil à beaucoup d’enfants. Si ces derniers pourront sans l’ombre d’un doute s’enthousiasmer devant tant de poésie et de finesse, ils poseront surtout des questions à leurs parents, n’ayant pas spécialement compris certains pans de l’histoire (la dernière partie du film, la véritable raison du titre par rapport au scénario…). Il est vrai qu’un film d’animation ne vise pas spécialement les jeunes spectateurs et que ce sont plus les adultes qui se retrouveront avec ce long-métrage. Mais nos chères petites blondes étaient pourtant les cibles mêmes de la thématique du récit (ne pas perdre son âme d’enfance, sa capacité à s’émerveiller). Et malheureusement, face à tant de complexités d’écriture, ils chercheront plus à comprendre alors qu’il suffit juste de se laisser bercer par le récit. De s’émerveiller, justement, pour en saisir le sens.


Il faut bien avouer que cette dernière remarque s’appelle du chipotage. Car si cela peut perturber le visionnage des jeunots, l’ensemble se montre être à la hauteur des espérances en se présentant tout bonnement comme la meilleure adaptation que Le Petit Prince ait pu avoir depuis sa parution (1943, ce qui ne rajeunit pas !). Et si vous ne connaissiez pas l’œuvre d’origine, vous découvrirez alors un film d’animation réussi, hautement intelligent et d’une puissance poétique indiscutable devenue rare chez la majorité des projets hollywoodiens (même si Pixar a récemment prouvé le contraire avec Vice-Versa). Un conte, un vrai !

sebastiendecocq
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Films vus au ciné en 2015, Les meilleurs films de 2015, Hans Zimmer, Les meilleurs films avec Rachel McAdams et Les meilleurs films avec André Dussollier

Créée

le 7 août 2015

Critique lue 379 fois

2 j'aime

Critique lue 379 fois

2

D'autres avis sur Le Petit Prince

Le Petit Prince
cloneweb
7

Dessine moi un mouton

Paru en 1943, Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry est considéré comme un chef d’œuvre de la littérature qui cache sous l’apparence d’un conte pour enfants une allégorie de la vie. Adulé par...

le 28 mai 2015

28 j'aime

Le Petit Prince
E-Stark
8

Grandir pour mieux se souvenir.

Difficile d'adapter un roman comme Le Petit Prince, d'autant plus quand il s'agit de le porter à l'écran pour un public majoritairement composé d'enfants. Car une chose est sûre avec cette histoire...

le 23 août 2015

26 j'aime

6

Le Petit Prince
Naël_Malassagne
4

Rose commune

Ne pas se limiter à l’histoire du livre était un pari audacieux, en faire un simple support une erreur regrettable. Comme si le spectateur n’était pas assez intelligent et sensible pour apprécier...

le 8 juil. 2015

23 j'aime

Du même critique

Batman v Superman : L'Aube de la Justice
sebastiendecocq
8

Un coup dans l'eau pour la future Justice League

L’un des films (si ce n’est pas LE film) les plus attendus de l’année. Le blockbuster autour duquel il y a eu depuis plusieurs mois un engouement si énormissime que l’on n’arrêtait pas d’en entendre...

le 28 mars 2016

33 j'aime

1

Passengers
sebastiendecocq
5

Une rafraîchissante romance spatiale qui part à la dérive

Pour son premier long-métrage en langue anglophone (Imitation Game), Morten Tyldum était entré par la grande porte. Et pour cause, le cinéaste norvégien a su se faire remarquer par les studios...

le 29 déc. 2016

29 j'aime

La Fille du train
sebastiendecocq
4

Un sous-Gone Girl, faiblard et tape-à-l'oeil

L’adaptation du best-seller de Paula Hawkins, La fille du train, joue de malchance. En effet, le film sort en même temps qu’Inferno (à quelques jours d’intervalles), un « Da Vinci Code 3 » qui attire...

le 28 oct. 2016

28 j'aime

4