Le Petit Prince
6.8
Le Petit Prince

Long-métrage d'animation de Mark Osborne (2015)

Puisqu'on ne voit bien qu'avec le cœur, alors, pour cette critique, laissons les sentiments parler.


Adapter un tel chef d'oeuvre peut sembler ambitieux. Tous les fervents admirateurs de l'oeuvre, dont je suis, redoutent depuis des semaines cette promesse d'adaptation, exactement comme lorsque l'on a appris celle de l’Écume des jours. Loin d'être la mise à l'écran d'un petit roman qui ne pourrait pas s'y prêter à lui seul, Le Petit Prince, film, propose heureusement bien plus que cela.


C'est l'histoire d'une histoire, celle du lecteur avec le livre et non plus celle que Saint-Exupéry avait raconté. C'est le récit de la réussite de ce livre, de l'empreinte qu'il a laissé chez beaucoup et du bien qu'il a pu faire. C'est la nécessité de nous le faire relire, et de nous rappeler les émotions qu'il a pu susciter : on ne voit bien qu'avec le cœur.


Pendant près de deux heures, je n'ai pas trouvé comment aborder ce film, vraiment inégal. Je n'ai malheureusement pas du tout été touchée par le choc des deux esthétiques qui se côtoient, numérique et slow motion, mais vous le comprendrez vite : ce n'est pas là l'essentiel.


L'essentiel, c'est le rire, c'est la poésie.


Et lorsque mes yeux se sont embués, à plusieurs reprises je dois le dire, je n'ai plus vu les défauts de réalisation, la simplicité des scènes du Petit Prince, livre, leur enchaînement trop rapide. En ce sens, le film ne cherche pas à se rapprocher de l'oeuvre, mais à l'actualiser, pour nous tous, à nous rappeler de ne rien oublier : ni ce livre d'enfant qui nous a paru si beau, ni son message. A noter qu'il sera difficile pour quelqu'un qui n'a pas lu le livre de mesurer les qualités du film. Si le moment le plus fort (pas de spoiler) m'a largement faite pleurer, il ne fut rien à côté de la terreur qui m'a submergée lorsque j'ai vu apparaître - et compris ce qu'il était devenu - Monsieur Prince.


Taxé de rocambolesque par certaines critiques, le jugeant trop éloigné de ce qu'en voulait St. Exupéry, le film est plus qu'une reprise de scénario : une prolongation peut-être, un mémo sans doute, une mise à jour, une interprétation non sans importance aujourd'hui. Permettez-moi de défendre cette belle trahison faite à l'oeuvre originale.


Mes yeux papillonnent encore du parachute multicolore ou de la maison remplie d'objets amassés.
Le duo vieillard-enfant est incroyable et rappelle intensément celui de Là-Haut, avec des caractères inversés bien entendu, et à lui seul donne son propos à tout le film : celui de l'amitié, lors de scènes époustouflantes de poésie, heureuse dans le jardin, tristes lors du trajet sous la pluie et de la course à vélo.


Les personnages s'entraînent les uns après les autres sur les traces de l'enfance, preuve qu'il suffit d'un bel esprit pour en faire rayonner quelques autres. Des heures me seraient nécessaires pour gloser sur la critique de la société adressées par ce film : chaque élément visuel en est un argument. Il s'agit d'un élément plutôt évident, presque grossier du film, je ne vais pas m'y attarder, sauf toutefois pour mentionner la musique, résonnant de façon réussie, mais illustrant malheureusement les grosses ficelles d'une morale pas forcément utile ici (merci les USA). Certes, les adultes évoluent dans ce film dans un monde finalement pas très loin du nôtre, tous habillés en costume cravate, notamment Monsieur Prince, et Maman (sauf deux fois, à la fin du film, preuve de la fin de l'aliénation et de la réapparition de l'innocence). Difficile de ne pas noter, en particulier, la ressemblance de la ville avec l'environnement autour de mon cinéma - Paris Montparnasse, heure de pointe - et de ne pas se sentir titillée par l'appel de l'envol en avion (la piste de décollage lumineuse étant par ailleurs le summum du cool pour une moi à neuf ans). N'oublions pas que le précepte de l'"âme d'enfant" chez l'auteur n'était pas seulement l'idée de savoir s'amuser : c'est avant tout le principe d'un regard poétique porté sur le monde, d'une profonde mélancolie, voire de solitude.


Comme si le film était écrit pour nous, jeunes lecteurs du Petit Prince et désormais travailleurs de 20 à 65 ans - mais rassurons-nous, je suis dans la tranche basse -.


The medium is the message, disait l'autre, voici donc celui du Petit Prince, le film : de la tendresse sur bout de papier, des larmes sur impression d'aquarelle, une réflexion sur des images emportées, de l'animation dans nos cœurs, pour nous ramener à notre âme d'enfant, mais surtout nous demander de ne pas l'oublier, ni elle ni nos interrogations désenchantées.


Une oeuvre à apprivoiser de toute urgence.


P.S : ayant choisi de ne pas regarder le film en 3D, j'ai sans doute raté quelques beaux effets visuels. N'hésitez pas à m'en faire part.


P.S 2 : la naïveté et la sentimentalité de cette critique sont parfaitement assumées. Cependant, je suis bien consciente de certains (très mauvais) côtés de ce film, ou du moins de sa production et de sa réalisation. Aussi, n'hésitez pas à consulter cette critique, négative et inspirée, avec laquelle je suis parfaitement d'accord : http://www.senscritique.com/film/Le_Petit_Prince/critique/57087024

Marianne_Morin
6
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le 4 août 2015

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