Toujours friand de temps en temps de cinéma de propagande, j'ai fini par visionner après des années ce film mineur de la filmographie de Kurosawa, l'un de mes cinéastes de chevet. "Le Plus Dignement" est l'avant-dernière oeuvre de lui que je n'avais pas encore vu et autant dire que la déception fut grande. Qu'on se le dise, je sais passer parfaitement outre le caractère volontairement forcé que véhicule la propagande. L'exagération est sa colonne vertébrale et il est bon d'en tirer les enseignements qui s'imposent, plutôt que de jeter tout ce beau monde dans le caniveau. Mais je suis de l'école de pensée qui dit que le cinéma propagandiste peut aller de pair avec une authentique conception artistique. Ne dit-on pas que ceux qui sont excellés dans ce domaine sont les tauliers de la fameuse Ecole Soviétique à qui l'on doit des longs-métrages majeurs que nous ne présentons plus vu leur statut de grand classique. Même côté Allemagne fin des 30's, il y avait des produits qui n'étaient pas dénués d'intérêt.
Les esthètes ont compris qu'un film est un tout et plus qu'un message caricatural, il faut aussi émerveiller les spectateurs devant la beauté de l'image et de la destinée tragique des héros. Alors oui, Kurosawa n'est encore qu'à ses débuts. Oui, l'époque bâillonnait les réalisateurs en les forçant à tourner des choses qu'ils n'avaient pas nécessairement envie de tourner. Mais comme je l'ai dit au-dessus, rien n'empêche de faire du beau malgré un fond laid. Chose que Kurosawa a été incapable de saisir. Etait-ce à un cause d'un marasme tel qu'il en a été découragé de s'y impliquer un tant soit peu ? La question mérite d'être posée et si cri de révolte sous-jacent de l'artiste de dire non à la conception d'un produit qualitatif il y a, c'est tout à son honneur. Sauf que l'objectivité doit être de mise et si c'est mauvais, eh bien c'est mauvais, peu importe la pensée du réalisateur.
"Le Plus Dignement" se situe à la lisière du brouillon et du projet bâclé. Le scénario est ronflant, les actrices ne dégagent pour ainsi dire aucune empathie et mon Dieu que ça manque de belles images. Tout est si aseptisé et même les chants patriotiques ne parviennent pas à nous réveiller de notre léthargie. On excusera totalement Kurosawa de cette bévue surtout vu le niveau d'excellence qui suivra quelques années plus tard.