L'Allemagne déleste
Il y a en fait deux films dans ce Pont des Espions, et le plus réussi des deux n'est pas celui auquel on pourrait penser. La première partie est, de fait, bien mieux qu'une simple mise en place...
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le 9 févr. 2016
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Après "Lincoln" et d'autres films, Spielberg poursuit ses travaux d'archéologie du mythe américain dans "le pont des espions" en 2015 en mettant en scène une affaire d'échanges d'espions américain et russe en pleine guerre froide.
L'espion communiste Abel (via un imbroglio avec un certain W. Fischer qui est ici hors sujet) a bien existé, le pilote espion américain Powers capturé par les soviétiques, aussi et c'est bien un avocat américain spécialisé dans les assurances, Donovan, qui s'est chargé des négo avec les soviétiques et les allemands de l'Est. Il semble aussi avéré que Donovan ait réussi à inclure dans l'opération la libération d'un jeune étudiant américain, Pryor, emprisonné en RDA.
Comme à l'accoutumée, Spielberg mène avec efficacité ce film basé sur des faits réels même si le scénario est un peu cousu de fil blanc et qu'on voit rapidement où tout cela va nous mener.
Mais pourquoi donc Spielberg donne cette impression d'en rajouter une couche en montrant Donovan damer le pion à la CIA en menant les négociations à sa guise alors que dans ces circonstances, les marges de manœuvre sont probablement étroites et ne doivent pas trop laisser de place à l'initiative personnelle. Pourquoi, faire tirer la couverture à lui alors que ce genre d'affaire est certainement un travail d'équipe de longue haleine, avec de nombreux interlocuteurs dans lesquels se glissent probablement des enjeux économiques (sordides ou pas).
Dans la réalité, il se passe cinq ans entre l'arrestation d'Abel en 1957 par le FBI et deux ans entre la capture du pilote espion et l'opération d'échange. C'est long.
Dans la réalité aussi, d'après ce qu'on peut lire de cette affaire, la pression s'appliquait aux deux côtés du rideau de fer et pas seulement au bloc soviétique comme le film semble l'entendre.
Le spectateur a le choix de regarder le film comme un film d'aventures où un héros américain parvient à sauver deux jeunes américains contre un vieux russe et c'est très bien. Mais si le spectateur s'attache à l'aspect historique et à la vraisemblance des évènements et des rôles des personnages, alors il risque d'être un peu gêné aux entournures par les raccourcis faits par le réalisateur…
Bien sûr, Spielberg stigmatise la paranoïa ambiante des années de guerre froide où les petits enfants américains étaient conditionnés à l'école sur les risques d'une guerre imminente nucléaire provoquée par les soviétiques. On y voit, par exemple, les enfants de Donovan remplir la baignoire de la maison parce que par prudence, on ne sait jamais, vaut mieux qu'elle reste toujours pleine d'eau ... Mais en même temps, l'insistance à montrer la supériorité d'un système judiciaire américain qui s'appuie sur une robuste constitution, même si fondamentalement c'est vrai, fait un peu "too much". De même, que l'avocat commis d'office prend tellement son affaire à cœur qu'il se met à dos tout le monde, du monde judicaire qui l'a adoubé au public en passant par sa propre famille. Un peu primaire, tout ça, non ?
Au final, je suis un peu partagé sur ce film.
D'un côté, c'est un film qui se laisse bien regarder avec un Tom Hanks qui joue les héros américains ordinaires qui peuvent, par l'enchainement des circonstances, se révéler être des personnages qui font l'Histoire. C'est beau même si c'est un peu simpliste.
De l'autre, je suis gêné par cette démonstration qui se veut historique et qui est un peu (beaucoup) manipulée.
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Créée
le 15 févr. 2022
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