Le Prestige parle du monde de la magie, à l'évidence. Et de ses dessous, de ce qui se passe dans les coulisses. Et si certains trucs sont révélés, Christopher Nolan conserve toutefois à l'écran le pouvoir d'émerveillement de son public puissant et intact.
Le contexte est tout aussi passionnant, avec ce Londres du début du siècle richement reconstitué, ainsi que son arrière-plan du développement de la fée électricité, théâtre d'un duel discret entre Thomas Edison et Nikola Tesla, renvoyant à ce qui dévore les personnages principaux. Et aussi prétexte à confronter l'illusion et la science, la vérité au trucage parfois d'une simplicité biblique, la technologie au bric à brac d'une boîte à secrets pleine d'artifices.
Le Prestige, c'est aussi un art consommé de la tragédie d'une amitié qui se transforme peu à peu en haine à l'ombre de la perte et du deuil. Qui se mue en rivalité mortifère et en jalousie mettant en branle une mécanique que le récit rendra folle. L'escalade entre Borden et Angier ne connaîtra dès lors plus aucune limite, se sabordant mutuellement leurs tours les plus spectaculaires, essayant de connaître les secrets de l'ennemi intime.
Et la jalousie de gagner jusqu'à la sphère privée, dont aucun des membres ne sera épargné par l'affrontement, et dont le délitement est raconté, afin de parer au classicisme de l'entreprise, par le flashback et la lecture des carnets des deux artistes. Un montage non chronologique qui pourra désarçonner le public, mais Christopher Nolan plie son récit à la recette annoncée par ce diable de Michael Caine, complice du réalisateur, en rendant son histoire tout simplement extraordinaire.
Ce dernier transforme donc son Prestige en véritable tour de magie qui nous immerge sans plus jamais nous lâcher. Qui nous bluffe de la première à la dernière image de son film, qui réussit constamment à nous faire regarder ailleurs pour mieux nous mener en bateau, au gré des courant du néo-noir ou des lisières de la science fiction. Nolan garde donc, sans jamais faiblir, le public à sa merci, qui cherche le double fond de qu'il regarde, qui reste à l'affût de l'astuce ou de l'as dans la manche du prodige britannique. Qui ne s'était pas embarrassé, en 2006, de l'annonce du high concept de sa nouvelle production, qui ne pouvait donc pas lui être renvoyé à la figure par ses détracteurs les plus fervents.
En évoquant et en chérissant la magie et tout ce qu'elle suppose de croyance et de marché avec le public, en la mesurant à la science, Christopher Nolan confronte Lumière à Méliès, ce dernier, ô coïncidence, ayant été illusionniste avant de devenir poète cinéaste et de porter sur la pellicule la magie des premiers effets spéciaux..
Le Prestige parle donc avant tout, entre les lignes de son histoire de rivalité, de notre média favori, dans lequel on s'abandonne une fois la lumière éteinte, ainsi que dans le plaisir de se laisser mener par le bout du nez. De se faire manipuler, d'être dupé.
Christopher Nolan n'a donc, avec son Prestige, peut être jamais autant parlé de ce qui nous rassemble : notre amour du cinéma.
Behind_the_Mask, qui n'a pas eu un éclair de génie, lui...