Âpre et radical
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Une scène montre deux avocats en train de discuter de leur client. L'un d'eux, le plus expérimenté, vient de recevoir sa lettre, lui indiquant qu'il veut se passer de ses services. L'autre, novice et sentimental, ami de l'accusé, qu'il appelle son frère juif, a aussi reçu une lettre, qu'il refuse dans un premier temps de lire car son ainé s'y voit traité de façon injurieuse et blessante, et que le jeune homme souhaite ardemment qu'il persiste à assurer la défense de l'accusé. Car apparemment, ce dernier aurait changé d'avis au cours de la nuit...
Cette scène d'ouverture est la seule avant le procès, dont les enjeux et ceux du film ne se révèlent que progressivement quand, comme moi, on n'a rien lu, entendu, s'est refusé à consulter tout site sur le sujet ou même à convoquer une mémoire culturelle générale d'ordinaire honorable, mais déjà passablement occupées par des heurs familiaux et personnels. Le genre de moment où le cinéma n'est plus indispensable mais demeure pourtant essentiel suivant son degré de solitude pour les affronter.
Film de procès sobrement tenu et parfaitement interprété, lesdits enjeux véritables n'apparaissent qu'au bout d'un temps long, quand la balance de la justice tressaute sur un Richter non catégorisé, insensiblement magnifié par un mouvement de caméra à rebours de intentions formelles jusque là affichées. Subtil et non moins magistral contrepoint, donc, que je laisserai aux connaisseurs nombreu(ses)x
On s'invective dans ces assises, et la salle s'offusque et s'émeut suivant son plateau d'affinités. L'accusé n'y est pas pour rien, lui qui a connu un certain succès médiatique, écrit un livre qui se vend bien et dispose de quelques soutiens chez des intellectuels de gauche. Il s'énerve, reprend des témoignages à la volée, levant des réactions persuadées de son bon droit, clamant son innocence. L'homme semble intelligent, sûr de lui avec son physique de gangster moulé sur son époque, un terme qu'il reconnait car il a bel et bien commis des braquages mais les meurtres ? Non.
Rapidement son attitude agace et frôle l'insupportable, tant il veut intervenir sur les débats, les contrôler, au grand dam de ses avocats dépassés. En face, les témoignages n'en apparaissent que plus humains et sensibles. Jusque là, le film se tient, maitrisé au point qu'on hésite à cerner son sujet, car n'est-ce donc que ça, l'innocence d'un homme ? Essentiel certes, mais beaucoup de films on essoré le sujet depuis le douzième homme, sans parler des séries...
Puis voilà que l'attitude de l'accusé n'est plus seule dans l'outrance, qu'un mot invectivé de trop voit la matérialisation de maître Kiejman, cet Houdini des prétoires, qui se jette sur sa proie, et le spectateur avec, un sourire entendu aux lèvres, ravi de ne pas être pris pour un manche et par ce subtil mais magistral contrepoint.
Ensuite, l'ampleur du cadre gagne celle des idées.L'impression se confirme. C'est bien. Voire mieux car ensuite, le film déjoue les procès d'intention faciles, justement, et ce sur tous les sujets qu'il aborde. Politique, ethnique, moral... ou celui de la justice, et si les résonances contemporaines abondent, ces dernières gagneraient aussi à peser leur jugement du même équilibre auquel parvient ce film au parti pris réaliste achevé.
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Créée
le 28 oct. 2023
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